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Roadtrip Partie 2 (Jour 7 à 14) : Texas (Rio Grande Valley et Guadalupe Mountains)

On se met en route vers l’aire d’autoroute Santa Rest Area (la recherche d’oiseaux vous amène dans des endroits inattendus). On y trouve notre premier Geai vert, des orioles masqués (Hooded Orioles), des quiscales à grande queue d’un noir iridescent qui font un boucan incroyable avec des sons qui font furieusement penser à des alarmes de voiture, un pic à front doré (golden-fronted woodpecker). On a peine à le croire mais malgré ses couleurs incroyables, le geai vert est parfaitement camouflé dans son habitat: ses plumes vertes se fondent dans la végétation luxuriante alors que sa tête noire et bleu se confond avec les feuilles à l’ombre. La vallée du Rio Grande est à la frontière avec le Mexique et abrite des espèces tropicales que l’on ne trouve nulle part ailleurs aux USA. J’ai la plus grande peine à me concentrer sur la recherche d’un point de chute pour les prochaines nuits avec toutes ces nouvelles espèces. Impossible de trouver des campings pour tente autour de Brownsville pourtant plein de campings (encore réservés uniquement aux camping-cars). On finit par jeter notre dévolu sur un Airbnb en croisant les doigts pour qu’ils acceptent notre réservation. En attendant, on se rend au Hugh Ramsey Nature Park. Ça y est les Cactus sont partout et en particulier les figuiers de Barbaries (Prickly pears) en fleurs (jaune ou orange) ainsi que les palmiers (Sabal Palm tree). Figuiers de Barbarie dont les coussinets et les fruits se mangent! Il fait encore bien chaud mais on a effectivement plein d’arbres partout et cette petite réserve au milieu du centre-ville est un concentré de Lifers pour nous: une nouvelle espèce de Moqueur (Curve-billed Thrasher) qui niche dans les cactus un martin-pêcheur vert (Green Kingfisher qui s’est fait assez discret et dont voici l’unique photo pas très heureuse), des colibris (buff-bellied hummingbirds), des tyrannidés colorés (le Couch’s Kingbird), la Mésange à plumet noir (Black-crested titmouse) tant attendue par Ulysse, des tourterelles à ailes blanches (White-winged Dove), des Ortalides chacamel (Plain chachalaca), le merle fauve (Clay Colored Trush) et la première pancarte “Watch for Snakes” (“Attention aux serpents”). 

L’endroit est clairement aménagé pour les naturalistes avec des petits bancs donnant sur des clairières avec mangeoires, distributeurs de nectars et des points d’eau qui fonctionnent comme des aimants sur les oiseaux. On y voit aussi notre seul et unique javelina, le sanglier local dès notre arrivée.

La réserve entreprend de revégétaliser certaines de ces zones notamment avec des cyprès de Montezuma. Cet arbre massif qui peut atteindre 30 mètres n’a pas de “genou” comme les cyprès de Floride. Cette espèce subtropicale est uniquement présente dans la vallée du Rio Grande aux USA à l’instar des oiseux qu’elle abrite. Autrefois abondant, c’est maintenant un des arbres les plus rares dans la région après son utilisation massive lors de la colonisation pour la construction. L’objectif est aussi de maintenir des zones humides: saviez-vous que les zones humides sont un des écosystèmes les plus riches en biodiversité au même titre que les forêts tropicales et les récifs de coraux rassemblant mammifères, oiseaux, papillons et odonates (libellules et demoiselles). La plaine à la frontière avec le Mexique est le résultat de l'accumulation de dépôts d'alluvions historiques du Rio Grande. Ce n'est aujourd'hui qu'une suite d'immenses champs d'agriculture intensive (jamais vu d'aussi grands!), avec des canaux d'irrigation qui détournent les eaux du Rio Grande, et quelques poches de forêts subtropicales sous forme de réserves qui peinent à survivre et à abriter cette faune et une flore unique aux USA.

On prend nos deux diners suivants dans une chaine italienne (Olive Garden) pour être sur de trouver des options végétariennes qui se raréfient avec notre excursion dans le sud. Notre AirBnb est une immense bâtisse dont les propriétaires nous assurent que l’eau du robinet a le meilleur goût de la région. Verdict: elle est encore pire que tout ce qu’on a goûté jusque là avec goût de chlore encore plus prononcé si c’est possible. On en profite pour décharger ma carte SD sur mon ordinateur et synchronisé les photos pour faire un petit reportage sur la faune observée jusque là sur WhatsApp. 

Le lendemain, direction le Sabal Palm Sanctuary. C’est en s’y rendant que nous sommes tombés sur le Mur. Le fameux Mur de Trump et ses patrouilles omniprésentes. Sentiment très étrange quand nous avons pris conscience de ce que nous étions en train de voir, nous qui avons voyager du Nord au Sud du pays pour voir des oiseaux migrateurs (migrants en anglais)... bref. La réserve est en partie sur une ancienne plantation (Rabb plantation) avec une maison de style Victorien, autrefois quartier général de la plantation et maintenant accueil de la réserve gérée par l’association Audubon depuis les années 70. Pendant qu’Ulysse prend des photos du bâtiment, je me passionne pour un anole marron et un anole vert qui attrape une libellule devant mon objectif. Les anoles marrons, originaire des Caraïbes, ont été introduits dans la région tout comme en Floride. Les anoles verts sont des petits lézards arboricoles insectivores capables de changer de couleur du vert vif au marron. Les anoles verts communiquent entre eux grâce à des changements de couleurs, à des pompes, à leur gorge qui peut devenir rose.. C’est clairement la sortie lézard. On croise aussi : de multiples Aspidoscelis sexlineatus (six lined racerunner) capable de creuser des terriers pour s’abriter du froid (clairement, ce n’est pas le problème du moment), des Cnemidophorus gularis (Texas spotted whiptail) et un lézard épineux (Texas Spiny Lizard or Prairy Lizard) dont on a probablement pris chaque écaille en photo. Mais pas de trace de l’écailleux Texas Horned Lizard surnommé le crapaud cornu qui se nourrit exclusivement de fourmis. Globalement, notre roadtrip a un peu manqué d’amphibiens et de reptiles mais je suppose qu’on n’a pas l’oeil et qu’on ne sait pas encore les repérer aussi bien que les oiseaux. Côté oiseaux, cette réserve nous permet d’observer mieux le Tyran quiquivi (Great Kiskadee) et d’entrevoir le Pic arlequin (Ladder-Backed Woodpecker) dont on ignorait l’existence, de voir notre premier Oriole des vergers (Orchard Oriole). On croise aussi plusieurs grèbes dont le Grèbe minime (Least grebe), qui fait la taille d’une paume de main et qui aime bien les eaux calmes avec de la végétation émergente. C’est souvent le premier anatidae à s’approprier une mare nouvellement inondée. Ils font des nids qui sont accrochés à la végétation pour les empêcher de dériver.

Notre dernier arrêt de la journée est pour Laguna Astascosa National Wildlife Refuge. On y croise la buse de Harris avec ses belles épaulettes rousses, un autre type de lézard  (Rose-Bellied Lizard),  de nombreux échassiers à grande distance. Il s’agit de ne pas s’aventurer trop près de l’eau où les alligators veillent. En l’absence de chemin ombragé, on retourne rapidement vers l’accueil où un observatoire avec abreuvoir nous donne à observer de nouvelles espèces : le vacher bronzé (Bronzed cowbird) qui comme le coucou pond ses oeufs dans le nid d’autres espèces et la très discrète Paruline des ruisseaux (Northern Waterthrush). On n’a pas la chance d’observer les ocelots qui arpentent la réserve. En repartant, on scrute sans trop y croire les abords de la route à la recherche du Grand Géocoucou (Greater roadrunner  alias Bip-Bip) que l’on a cherché sans succès depuis notre arrivée au Texas. Et comme souvent en ornithologie, quand on combine persévérance et connaissance de l’habitat de l’espèce recherche, on finit par fatiguer la chance. Bip-Bip montre le bout de son nez au bord de la route en rase campagne, dans ce milieu aride au niveau des buissons, probablement à la recherche de lézards ou de serpents. On ralentit la voiture, j’ouvre la porte délicatement et je contourne à pas de loup la voiture en rampant pour capturer quelques photos de cet oiseau emblématique du sud des Etats-Unis.  La chance continue de nous sourire puisqu’on croise également un pie-grièche perché sur un fil électrique sur cette même retour (pas de photos décente pour le coup). 

Le lendemain, on quitte notre AirBnb pour la réserve suivante sur notre liste : Resaca de la Palma State Park. Une resaca est un lac en arc de cercle ou un canal de rivière abandonné. Les resacas constituent des zones humides importantes pour les oiseaux et d'autres animaux. Le mot Resaca vient de l'espagnol resacar ("reprendre"), qui évoque le mode de fonctionnement des resacas, qui capturent et dissipent les eaux de crue du fleuve. Naturellement coupées du fleuve, les resacas le long du Rio Grande n'ont pas d'entrée ou de sortie, sauf lorsque les eaux sont hautes. Certaines sont à sec jusqu'à ce qu'elles soient remplies d'eau de pluie. D'autres servent de réservoirs remplis d'eau pompée dans le fleuve.  Les resacas sont crées par les inondations périodiques qui modifient le cours du fleuve. L'eau de la rivière qui se déplace lentement dépose du limon à l'intérieur du méandre. L'eau sur les bords extérieurs de la rivière s'écoule plus rapidement, érodant les berges le long du col jusqu'à ce que la boucle disparaisse, laissant un lac en arc de cercle Sans le courant de la rivière pour déplacer l'eau, les sédiments s'accumulent au fil du temps et remplissent le lac, créant une résaca "sèche". Depuis les années 1970, les mesures de contrôle des inondations le long du Rio Grande ont permis d'éviter les inondations saisonnières autrefois associées à la fonte des neiges au printemps en amont et aux ouragans en été et en automne. La contrepartie, c’est que de nombreuses resacas du delta du Rio Grande se sont asséchées et ont été envahies par la végétation ligneuse, menant à la disparition d’un habitat précieux pour les oiseaux. C'est pourquoi certaines réserves s'efforcent de restaurer les resalas en draguant le lit de la resaca asséchée avant de l'inonder et en gérant les niveaux d'eau de manière à simuler le cycle historique des crues du Rio Grande. 

L’air est lourd, il fait chaud et je subis une attaque en règle des moustiques sur un chemin en particulier au point d’arrêter de chercher les oiseaux, de remettre le cache sur mon objectif d’appareil photo et de supplier Ulysse de quitter cet endroit cauchemardesque au bord des larmes et de la crise de nerf. De toute manière, il y a assez peu d’oiseaux en raison des bourrasques de vent dont on pourrait penser qu’elles nous rafraichiraient mais non! 

On met le cap sur le Valley Nature Center où la petite balade très courte nous permet surtout de voir une tortue à la carapace molle et la gorphoise du Texas ainsi que le fameux “Texas Horny Lizard”  mais en captivité. 

Notre dernier escale de la journée, Estero Llano Grande, est un petit écrin de verdure au milieu des banlieues. On s’arrête très longuement sous l’observatoire de l’accueil bien ventilée à essayer tant bien que mal d’identifier les limicoles qui grouillent dans la vase. J’adopte une méthode peu glorieuse qui consiste à prendre des photos des différents oiseaux en laissant à la Titia du futur la charge d’identifier tous ces mini-échassiers aux teintes grisâtres et brunes. Un oiseau quand même attise notre curiosité : un petit limicole, qui au lieu d’inspecter les eaux peu profondes de son bec, nage frénétiquement en rond dans des eaux plus profondes. Il s'agit d'une Phalarope de Wilson

On y croise des ornithologues surexcités car un fall-out est prévu sur la côté à South Padre Island ce soir… Ils essaient de nous convaincre de faire les trois heures de route qui nous sépare de ce paradis éphémère pour birders le soir même (puisque le lendemain les vaillants oiseaux seront déjà repartis) mais la raison l’emporte car c’est complètement à l’opposé de la direction dans laquelle on doit partir le lendemain. Notre voiture indique 100°F soit 38°C… Même les écureuils sont affalés sur les branches pour espérer se rafraîchir. On fait quand même un selfie de célébration car nous venons d’atteindre les 100 espèces d’oiseaux depuis le début du roadtrip. 

 

Le soir il s’agit de se mettre en quête d’un camping pour poser notre tente. On trouve un camping d’habitués où les gens ont leur photo dans la salle commune.  Compte tenu de la chaleur étouffante, je me porte volontaire pour laver notre tente de fond en comble et enfin se débarrasser de l’odeur de pipi qui nous suit depuis quelques jours maintenant. Notre voisine de camping est une dame d’une cinquantaine d’année, très bavarde et à fond sur les oiseaux. Elle nous raconte qu’elle essaie d’y mettre son mari (avec un succès limité), son voyage avec son amie en Arizona pour observer les colibris (un de nos prochains arrêts) et nous conseille le film The Big Year qui retrace la folle aventure de trois birders en compétition pour voir un maximum d’espèces d’oiseau en une année civile sur le territoire américain. 

Notre arrêt suivant (Santa Ana Wildlife National Refuge) est très prometteur : à la croisée de deux routes migratoires majeures empruntés par les oiseaux (Central Flyway et Mississippi Flyway), plus de 400 espèces d’oiseaux ont été recensées sur le site. On commence par inspecter les grandes tours desquelles les comptages de rapaces sont effectués en période de migration. Rien en vue hormis des Orioles à gros bec (Altamira Oriole), petits points orangés au milieu d’un océan de verdure. Endormis par la chaleur lourde, on parcourt néanmoins les chemins ce qui nous permet de repérer le troisième et dernier martin-pêcheur des Etats-Unis, le martin-pêcheur à ventre roux (Ringed Kingfisher) mais les photos ne sont pas vraiment au rendez-vous car les martin-pêcheurs sont particulièrement farouches, s’enfuyant à grand cri courroucé lorsque d’aventure on passe trop près. On profite de quelques parulines supplémentaires (Paruline à joues grises (Nashville’s warbler), Paruline à collier,…) mais pas dans les proportions espérées. On replie donc baggage et on décide de revenir à Estero Llano Grande que nous avions beaucoup apprécié la veille. 

On observe avec délice une paruline à gorge noire (Black-throated green warbler) dont le chant a accompagné tant de nos balades dans les Adirondacks. De nombreux types de trogons vivent dans les forêts tropicales, mais une seule espèce est régulièrement présente au nord du Mexique: le Trogon élégant. On découvre l’existence de cette oiseau grâce à une petite note à l’entrée de la réserve qui signale la présence d’une femelle présente depuis Thanksgiving. On loupe la femelle trogon à une minute près littéralement puisque la personne juste devant nous l’a vu mais le spectacle est terminé et elle est repartie se cacher. On a tout de même la chance d’observer un Petit-duc maculé (Eastern screech Owl) dont le plumage cryptique se confond à merveille avec la souche au sommet de laquelle il s’est logé et ce grâce à l’aide bienveillante d’un autre border sans qui nous ne l’aurions jamais trouvé. Chaque type d’oiseau nécessite d’exercer son oeil pour les trouver. De toute évidence, nous sommes plutôt bons pour les petits insectivores mais nous avons encore du travail pour apprendre à repérer les rapaces nocturnes. 

Avant la colonisation, cette vallée était un fourré luxuriant de forêts et d'arbustes nourris par un sol riche déposé par le Rio Grande.. Des concessions de terres ont été accordées aux premiers colons espagnols de la vallée du Rio Grande au 18e siècle. Au début du 20ème siècle, les promoteurs et les agriculteurs ont commencé le défrichement à grande échelle de la vallée. En 1930,  la plus grande partie de la vallée du Rio Grande a déjà été défrichée au profit de plantations d'agrumes. En 1944, quelques parcelles sont sauvées et donnés aux parcs du Texas qui en font la réserve Bentsen-Rio Grande Valley qui donne à voir un peu du paysage natif avant ce défrichage massif. On y observe les escargots prisés du milan des marais (Snail Kite). Sur les grandes tours au sommet de la canopé, on rencontre John, retraité et sentinelle de la migration des rapaces. Tous les jours pendant plus de trois mois, il vient bénévolement compter les milliers de rapaces qui migrent au-dessus de la réserve entre 8h et 13h quand le soleil a suffisamment chauffé pour permettre aux rapaces de prendre les ascendants thermiques. Les yeux affutés de John nous permette de distinguer des rapaces jusque là indiscernables pour nos yeux non avertis. Les vagues de rapaces (principalement des vautours) attendues à Santa Ana sont enfin là même s’il ne s’agit pas d’une journée exceptionnelle pour John… jusqu’à ce que le Bec-en-croc de Temminck (Hook-billed Kite). Malgré son air féroce, ce rapace se nourrit principalement…d’escargots en particulier les escargots arboricoles que l’on a observé en venant. Il prend l'escargot avec le bec, puis le tient fermement au perchoir avec ses serres avant d’insérer l'extrémité crochue du bec dans la coquille, la faisant éclater. Il a souvent des perchoirs préférés pour faire craquer les coquilles, laissant derrière lui des tas de coquilles révélateurs sous l'arbre. John nous porte chance (à moins que ce ne soit l’inverse) car quelques minutes plus tard, Ulysse repère une Bécarde à gorge rose (Rose-Throated Becard). Cette espèce insectivore tropicale, silencieuse et discrète, dépasse rarement la frontière mexicaine. On quitte à contre-coeur John et son savoir immense non sans m'être fait la promesse intérieure d’avoir la même culture naturaliste que lui à son âge. 

 

Les différentes réserves visitées ces derniers jours font toute partie du World birding center (le centre mondial de l’ornithologie), la modestie n’étouffant pas les américains même si leurs oiseaux sont effectivement très chouettes. 

 

Notre birding frénétique d'un peu plus d'une semaine nous aura donc amené du Nord au Sud du Texas. Nous avons marché dans 27 sites de birding et avons été plus ou moins chanceux dans ceux-ci. Nous avons identifié 113 espèces d'oiseaux à ce jour, dont une trentaine que nous avons vu pour la première fois ! Et tout ça en une semaine ! C’est un peu l'overdose de pioupioux pour nous deux car mine de rien on est concentré en permanence sur tout ce qui se passe autour de nous et on profite du lever au coucher du soleil de ces endroits dans lesquels on ne reviendra pas. Nous n'avons pas vu autant d'oiseaux ni de papillons que prévu. Ni en termes d'abondance, ni en termes de diversité en raison de la grosse tempête de neige hivernale qui a détruit de nombreux habitats (beaucoup d'arbres morts  moins de fleurs sauvages et d'herbes hautes...) et la  sécheresse déjà bien installée en avril. 

 

Le Texas est un état vraiment étrange et en tout cas très différent de NY. On n’en a clairement pas fait le tour mais la diversité des paysages est impressionnante (même s’il faut rapporter ça à la taille de l’état, plus grand que la France).  Contrastes forts également entre l’amabilité des gens que nous avons croisés et les convictions politiques affichées de cet état... En tout cas, nous avons vu tellement de choses qu'il nous a fallu du temps pour digérer tout ça et vraiment nous en rendre compte. C’était en tout cas une bonne mise en jambe pour nos compétences de camping et d'improvisation. Nous sommes plus rapides à nous installer et à désinstaller notre matériel, nous sommes meilleurs pour cuisiner sur notre petit réchaud. Bref, ça prend forme ! 

 

Le lendemain, nous attaquons la route vers l'ouest pour nous diriger en deux jours vers les Guadalupe Mountains. Sur les grandes routes très droites du Texas, des barrages sont installés régulièrement avec une sortie temporairement obligatoire comme une aire d’autoroute sauf qu’en guise de repos, vous avez le droit à un contrôle des papiers d’identité par les forces de l’ordre avec les chiens prêts à inspecter les voitures jugées suspectes. 

 

On s’arrête à un réservoir recommandé par notre voisine de camping (Amistad Reservoir). En l’absence de douche et compte tenu de notre niveau de transpiration, je n’hésite pas très longtemps avant de me mettre toute nue dans le noir pour prendre une simili douche au robinet d’eau froide entre deux emplacements de camping sous les étoiles. Heureusement, aucun campeur n’a décidé de sortir se promener à ce moment là. 

 

On y voit notre premier Troglodyte des rochers (Rock Wren) et Ulysse voit un Bruant à gorge noire (Black-throated sparrow). 

Le lendemain matin, on reprend la route et malgré le  paysage désertique autour de nous qui donne l’impression que l'on va cuire instantanément si on s'aventure dehors, les températures descendent à tel point que nous avons dû enfiler les polaires le midi. Plus on se rapproche de Guadalupe, plus les paysages ressemblent au Far West dans Lucky Luke (pardonnez mes références!)

On passe la dernière ville avant Guadalupe Mountain qui se trouve à 60 miles. Ce faisant, on se fait la réflexion qu’on a bien fait de décoller de bonne heure pour ne pas arriver trop tard au camping de Guadalupe afin d’être sûrs d’avoir un emplacement car il s’agit encore d’un camping en first come, first serve, sans réservation. Quand on arrive enfin en vue du camping, il semblerait que j’ai été un brin trop optimiste. Malgré notre arrivée en début d’après-midi, tous les emplacements sont pris. Les villes les plus proches dans les deux directions possibles sont à 1 heure chacune. L’autre option consiste à trouver un spot de camping sauvage sans équipement, ni eau ni toilettes entre Guadalupe et la prochaine ville, le tout sans accès à Internet. Heureusement, on tombe sur un couple super sympa qui nous offre de dormir sur leur emplacement et même dans leur deuxième tente déjà montée sur l’emplacement car la troisième personne qu’ils attendaient ne pourra finalement pas être là ce soir… Bon au moins on a réglé la question pour ce soir, demain est un autre jour. C’est super sympa de discuter avec eux: ils sont infirmiers mais font des remplacements là où il y a du besoin ce qui n’est pas rare en cette période de COVID. 

 

En se couchant, on fait bien attention à bien régler nos réveils. En venant à Guadalupe Mountain, on a changé de fuseau horaire passant du Eastern Time au Central Time mais le comté où se trouve le Parc de Guadalupe observe de manière non officielle un autre fuseau horaire: le Mountain time. Quand on se réveille le lendemain matin, il fait nuit noire! Toute notre concentration n’a pas suffi ! On attend en grelottant et en regardant la Voie lactée que le soleil pointe le bout de son nez pour attaquer l’ascension du Mont Guadalupe. En effet, comme on est en territoire puma et qu’ils aiment bien attaquer la nuit, on préfère suivre les recommandations et randonner de jour uniquement afin de ne pas être confondus avec des cerfs mulets, leur proie préférée. 

 

On s’élève tranquillement mais sûrement au-dessus du camping ombragé pour découvrir un paysage incroyable : les Guadualupe Mountains (les montagnes les plus hautes du Texas) se tiennent isolées au milieu d’un immense désert (le désert de Chihuahua) et de chenaux secs à perte de vue. Seuls quelques champs irrigués viennent perturber la géométrie du paysage. 

 

Il y a 260 millions d’années, un océan tropical recouvrait en partie le Texas et le Nouveau-Mexique.  Pendant des dizaines de millions d'années, des éponges calcaires, des algues et d'autres organismes marins sécrétant du calcaire ont précipité dans l'eau de mer. Avec le calcaire, ils se sont accumulés pour former le récif du Capitan, en forme de fer à cheval, long de 400 miles (640km). Finalement, la mer s'est évaporée, le récif s'est affaissé et il a été enterré sous une épaisse couche de sédiments et de sels minéraux. Le récif est resté enterré pendant des millions d'années jusqu'à ce qu'un soulèvement de montagne en expose une partie donnant naissance aux Guadalupe Mountains. 

 

Le désert du Chihuahua reçoit entre 250 et 500 mm de pluie par an (en France, apparement les précipitations varient entre 500mm et 2000mm selon les régions et les années) et les températures dépassent les 32°C en été (en avril, on était plutôt entre 5 et 15°C). Sur les flancs poussent des cactus (figuier de Barbarie et Walking stick chollas), des aloes, des sotols et des yuccas qui rendent le tout très Far West. Les agaves et les yuccas produisent généralement de grandes tiges qui peuvent pousser de plusieurs dizaines de centimètres par nuit, ce qui leur permet d'atteindre des hauteurs vertigineuses avant que les prédateurs affamés ne puissent grignoter les fleurs. 

 

On atteint relativement facilement le sommet qui culmine à 2670 m où je joue à cache-cache avec un écureuil des rochers (Rock squirell). La rando était très belle et plutôt facile pour ses 15 km et 1000 m de dénivelé.  Sur le retour, j’essaie d’avoir mes premières photos de Troglodyte de rocher mais le résultat est peu heureux car il reste assez distant. 

 

Je ne suis pas trop autorisée à trainer trop longtemps avec le troglodyte car il s’agit de redescendre rapidement pour avoir un emplacement de camping en espérant que certains se soient libérés le matin. Le seul qu’on trouve est réservé pour les handicapés donc on doit céder notre place si une personne handicapée vient. Finalement, personne ne viendra et on ne sera pas obligé de partir à l’aventure dans le désert (littéralement) pour trouver un endroit ou dormir. On ressort se balader un petit peu autour du camping où on trouve quelques colibris, des juniors et des bruants mais finalement assez peu d’espèces. 

Le lendemain matin, on met donc le cap sur Manzanita Spring, une source d'eau visitée par les oiseaux (et les rennes, mais nous n'avons vu que leurs empreintes). On passe devant le Frijole Ranch qui date des années 1870. On y croise nos premiers pics glandivores, une nouvelle espèce de grive (Townsend’ solitaire) particulièrement calme, nos premiers Geai de Woodhouse (particulièrement farouches) et plein de juniors. On y croise également un premier Tohi tacheté (Spotted Towhee) mais il faudra attendre le Nevada pour des photos décentes ainsi qu’un chardonneret mineur (que l’on ne recroiser pas malheureusement). 

La saison des fleurs est déjà passée mais il reste ça et là des petits éclats rouge des fleurs de cactus Claret Cup. 

 

On se dirige ensuite vers McKittrick Canyon qui est censé être un îlot de verdure au milieu de ce désert grâce à l’encaissement qui apporte protection contre le soleil et le vent, gardant des températures modérées. On marche 3 à 4 kilomètres dans ce canyon qui effectivement passe d’un habitat désertique à une forêt où les chênes, les noyers, les pins et les juniors reprennent leurs droits. On y trouve une nouvelle espèce de troglodyte (Bewick’s Wren) que l’on entend bien avant de le voir et j’y revois avec plaisir ma Paruline préférée. On fait demi-tour au niveau d’une cabane en pierre (Pratt Cabin) construite dans les années 30 par un géologue (Wallace Pratt) tombé amoureux de la région. 

Voilà, c’est la fin de nos aventures dans le Texas. Prochaine étape: le Nouveau Mexique et son désert de gypse blanc. 

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