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Décembre 2020 - Maine

C'est le retour sur le blog après 9 mois d'absence. On a été bien occupés entre un roadtrip de deux mois, le déménagement (retour définitif vers la France), le boulot, et les visites à la famille et aux amis après trois ans d'absence. Les photos s'accumulent sur le disque dur et le temps manque... Nos vacances pour le nouvel an se sont transformées en isolement car nous sommes cas contact Covid Omicron. Mais on est isolé à Biscarrosse, sous le soleil et avec des températures printanières, donc c'est l'occasion rêvée de commencer à mettre à jour le blog avec les vacances de Noël d'il y a un an, où on a (re)découvert la côte du Maine du Nord jusqu'au Sud. La thématique du voyage: oiseaux (beaucoup de canards) et photo (lever de soleil et phares) pour changer.

 

Mais avant ça, un petit récap: Avant de partir en roadtrip, j’avais fini de mettre à jour le blog jusqu’à fin octobre. On a évidemment fait quelques sorties entre Novembre et notre départ dans le Maine mi-décembre mais mon disque dur a planté mi-décembre et un certain nombre de photo ne s’étaient pas encore synchronisées dans le cloud! Dommage (surtout pour ma seule et unique photo de Grand Pic/ Pileated Woodpecker)! Mais bon le bon côté, c’est que l’article sera plus vite fait sur cette partie là. Je vous mets en vrac quelques photos de ce mois et demi avec ce que j’ai pu sauver à la mort du disque dur. 

J’ai passé pas mal de weekend de novembre installée en affût dans mon salon! J’avais transformé les jardinières en studio photo avec quelques graines et j’ai passé des heures à observer les petits habitants du jardin. Vous noterez probablement ma petite préférence pour la mésange bicolore avec sa petite huppe! Avant de faire ça, j’ai aussi sécurisé nos vitrages en mettant plein de stickers pour éviter les collisions des oiseaux avec les vitres suite à une formation auprès de la LPO américaine (Audubon). En gros, les collisions sont l’une des premières causes de mortalité des oiseaux liés à l’homme (avec la perte d’habitat et les chats) et c’est particulièrement vrai à la campagne où la végétation se reflète particulièrement dans les vitres. Ce phénomène tend à passer complètement inaperçu car les oiseaux meurent rarement sur le coup (hémorragie interne) même si l’issue de la collision est rarement heureuse pour eux. Mais on peut facilement leur rendre les fenêtres visibles grâce à des petits stickers et tout un tas d’autres techniques. 

Dans les autres sorties notables, j’ai vu une rareté pour l’état de New York: un Moqueur des armoises. Les raretés sont des individus qui apparaissent en dehors de l’aire de répartition géographique normale de leur espèce (en l’occurence, le Moqueur des Armoises vit à l’ouest des Etats-Unis uniquement et n’a franchement rien à faire dans New York). Ces raretés sont généralement des oiseaux malchanceux poussés hors de leur trajectoire par des conditions météorologiques difficiles pendant leur migration, ou des oiseaux dont le GPS interne est défectueux. Globalement, j’ai pas trop apprécié cette observation car le pauvre oiseau était clairement congelé (c’est pas tout à fait les mêmes températures que dans l’Arizona à cette époque de l’année de New York) et ses chances de survie étaient relativement faibles. De manière un peu plus réjouissante, on a également trouvé avec Ulysse des Durbec des sapins (Pine Grosbeak) qui ont fait “irruption” pendant l’hiver 2020-2021. Les " années d'irruption " se produisent lorsque la production de cônes de pin de la forêt boréale canadienne est insuffisante pour nourrir un certain nombre d’oiseaux dont les Durbec des sapins qui sont contraints à une migration exceptionnelle pour s’alimenter pendant l’hiver. J’ai fait faire un certain nombre de sorties à la recherche d’un type d’arbres particuliers dont les Durbec dévalisent les baies. Cette fois-là fut la bonne même si on les a aperçut alors qu’on s’apprêtait à rentrer après s’être gelés pendant une bonne heure à leur recherche. 

Décembre 2020: Le jeudi avant de partir, une véritable tempête de neige s'est abattu sur Troy, nous sommes bloqués dans la résidence (70 cm de neige en une nuit et les déneigeuses de la résidence sont en panne. J'annule donc mon rdv pour le test COVID et notre pause déjeuner prend des airs des randonnée à la montagne autour de la résidence avec de la poudreuse jusqu'aux genoux. Le vendredi, c'est la course pour tout finir au boulot et aller faire mon test Covid. Il me semble bien que c'est mon premier test. Ambiance très étrange au centre de dépistage en drive-in d'Albany géré par l'armée où nous ne sommes pas autorisés à baisser les vitres de notre véhicule. Les militaires communiquent avec nous avec des petits panneaux pour nous demander nos papiers et nous orienter. Une infirmière avec masque plus visière de protection vient me faire le test. Echec total de communication entre nos équipements de protection individuels plus la vitre de ma voiture: j'enlève mon masque alors qu'il ne faut pas, mon prénom est orthographié n'importe comment (plus que d'habitude si c'est possible) mais en 5 minutes c'est expédié. Après avoir récupérer un maximum de provisions chez Eliza (son pain et ses biscuits nous manquent beaucoup trop!!), c'est enfin les vacances. On finit The Office qu'on a adoré pour décompresser de la semaine. Le samedi, on s'affaire pour préparer les bagages, nettoyer l'appartement, cuisiner une tarte à la citrouille et aux framboises pour le voyage avant d'accueillir Juju. On fête les retrouvailles et le nouveau poste de Juju au Prosecco avant de finir tant bien que mal les bagages. Le dimanche matin, on fait une formation ornithologie express à Juju (qui a accepté en connaissance de cause de partir en vacances pendant 2 semaines avec nous) avec les oiseaux de la terrasse (Juju peut déjà cocher sur sa liste le cardinal qui a eu la gentille de montrer le bout de son bec assez longtemps). 

 

On se met enfin en route pour le Nord Nord du Maine (East Machias, à ne pas prononcer à la française). Lorsqu'on arrive sur la côte du Massachusetts, il commence à neiger et ça s'empire jusqu'à Richmond, ME. La route est recouverte de neige et il fait nuit. Après une énième pause, je reprends le volant et on entend soudainement un bruit de tôle. Je me demande si j'ai percuté une voiture sur le bord de la route et... oui! La voiture ne nous avait pas vus et s'est engagé sur notre route sans regarder, égratignant au passage le pare-chocs arrière de notre voiture. De notre côté, on lui a arraché sa plaque d'immatriculation. Bref, on repart avec Ulysse au volant, histoire de me remettre de mes émotions. On arrive donc un peu épuisés au bout de 9h30 de route à notre AirBnB perché au sommet d'une rivière. Il y a même un sapin de Noël qui nous attend. Pendant que Juju et Ulysse nous préparent des pizzas de réconfort maison, je m'occupe de faire ma déclaration à l'assurance. Cette histoire a mis des mois à se régler entre nos deux assurances, j'ai du faire des déclarations sous serment, etc... car la conductrice après nous avoir dit sur le coup que c'était sa faute a décidé que c'était de notre faute et qu'on n'avait pas nos phares allumés... 

Après une bonne nuit, on est un peu plus fringants et on se met en route pour Quoddy Head State Park à la frontière avec le Canada. Le parc est nommé d'après la tribu amérindienne des Passamaquoddy, qui signifie "peuple de l'aube". Il a un joli petit phare aux couleurs de "Où est Charlie" situé sur le point le plus à l'est des États-Unis. La journée est très brumeuse, avec peu de visibilité et une ambiance mystérieuse. Un Pygargue à tête blanche (Bald Eagle) nous survole sur la route pour se poser au sommet d'un sapin juste devant nous.  On fait une petite boucle de 6 kilomètres qui passe au bord des falaises hautes et sombres puis sur des rochers au niveau de la mer, avant de s'enfoncer dans une forêt moussue et une tourbière. Le sentier de la tourbière passer par un caillebotis pour protéger la végétation. Des panneaux décrivent comment les plantes se sont adaptées aux conditions difficiles de la péninsule. Les arbres nains de cette tourbière sont l'épinette noire (black spruce) et le mélèze (larch). Ces arbres poussent lentement car la tourbière contient peu de nutriments nécessaires à une croissance normale. Par exemple, ici, une épinette noire de 80 ans ne mesure que 2 mètres de haut et le diamètre de son tronc est de 10 cm là où dans un bon sol, elle aurait une hauteur de 20 mètres avec un diamètre de tronc de 30cm. Les arbres nains sont entourés de mousse de sphaigne. La mousse peut finir par prendre le dessus sur ces arbres à croissance lente et et finir par les tuer. On trouve aussi dans la tourbière des sarracènes (pitcher plant), des plantes carnivores dont les feuilles se dressent en tubes. 

 

On croise plusieurs phoques dont le nez dépasse de l'eau en contrebas et plein d'oiseaux dont de nouvelles espèces : la Macreuse à front blanc (surf scooter), la Macreuse à bec jaune (black scoter), le Harle huppé (Red-Breasted Merganser) et des sizerins flammés (Common Redpoll). Peu de photos ce jour-là de ces espèces mais il y en aura les jours suivants au fur et à mesure qu'on descend vers le sud du Maine et que l’on a un peu plus de proximité avec eux. Disons qu’il s’agit ici de la phase de repérage.

 

De retour au phare, je passe à côté d'une motte de terre dont il ne me semblait pas qu'elle était là le matin mais distraite par les harles huppés, je m'en détourne. Interpellée par Ulysse, je me retourne et vois la motte de terre se déplacer sous mes yeux ébahis... La motte de terre est un porc-épic (naturaliste du dimanche, bonjour!). Cet animal, plutôt nocturne en été peut profiter des journées sèches en hiver pour se nourrir. On rentre enchantés et pendant que les légumes rôtissent, Juju et moi essayons de tout apprendre sur les porc-épics. Pour info, ils se nourrissent notamment d'écorces d'arbre! 

 

Le lendemain matin, on retourne au même parc pour être présents au bord de la côte au lever du soleil (debout 5h30 donc). Après une petite marche de 0.4 miles, on s'installe sur un petit rocher. La journée est nuageuse et brumeuse donc point de lumière rougeoyante mais une belle couleur bleue pastel et encore de jolies observations naturalistes : le chant d'un plongeon (Common Loon) qui fait penser au loup (si vous n’avez jamais entendu, voilà la vidéo de ceux qu’on avait vu l’été précédent https://youtu.be/aYGr5M-m3eo ), des marsouins au large, une nouvelle espèce de canard (la Harelde Kakawi ou long-tailed duck) et des pygargues à tête blanches (Bald Eagle) qui passent juste au-dessus de nous. On revient à la voiture où on s'installe dedans pour un petit déjeuner afin de se réchauffer quand Ulysse nous montre une perdrix ou plus précisément une Gélinotte huppée (Ruffed grouse ou encore “poules” selon Juju) sur le talus à côté du parking. Généralement, elles ont tendance à se cacher au milieu des fourrés très sombres rendant toute photo compliquée. Avec milles précautions, je baisse la fenêtre pour sécuriser quelques photos avant de tenter une approche en mode commando sous la portière de la voiture ce qui lui fait dresser sa huppe et gagner le couvert. Ravis, on reprend la route et on croise 3 gélinottes supplémentaires dans un arbre. 

Après une pause photo pour des sizerins flammés qui n'a pas donné grand chose, on se dirige vers ce qui est censé être le top du top en termes d'habitat boréal : la réserve de Cutler. Et dans cet habitat boréal, on cherche bien sûr la mésange boréale! La balade est très chouette avec une fine pellicule de neige dans une forêt couverte de mousse qui finit sur une falaise abrupte battue par les vagues. Mais point de mésange boréale en vue. A la place, des écureuils roux et des roitelets pour la liste à Juju qui ne cesse de s'allonger. On reprend la route et on s'arrête au port de Cutler pour regarder les cages à homard agencées en sapin de Noël.  On fait une dernière petite marche pour la route à la Eastern Knubble preserve où on admire une ancienne mine d'argent et de cuivre des années 1800. Après plusieurs parties de Carcassonne, il est l'heure de se mettre au dodo. 

Mercredi 23 matin: c’est l’heure de replier les affaires au réveil et de procéder à l’opération “Tétris” dans la voiture (on n’est que trois mais on a emporté notre panier de légumes de la ferme pour toute la semaine. Le zéro déchet en voyage ça prend de la place!). On passe la journée à Great Wass Island qui se situe entre East Machias et notre prochaine destination (Acadia National Park). Great Wass Island est également censé être un habitat boréal de premier choix pour ma fameuse mésange boréale. Notre randonnée de 10 kilomètre nous amène d’abord à travers une forêt de pins gris rabougris (Jack Pine) couverts de cônes, d’épicea (spruce) et d’arbustes qui ressemblent à des myrtilles. On a à nouveau un petit caillebotis au milieu  de mousse de sphaigne et de plantes carnivores. On identifie aussi dans la neige ce qui ressemble à des traces de coyote et de cerfs que l’on croise un peu plus loin. La mésange boréale continue de nous échapper et seule les mésanges à tête noire et les grimpereaux acceptent de se montrer. On atteint ensuite une crique et le retour se fait en longeant le rivage sur des rochers que le gel rend glissant. Je m’engage dans une partie de “1,2,3, Soleil” avec les canards pour m’approcher quand ils plongent. On repère au large une nouvelle espèce pour nous: le grèbe esclavon (Horned grebe) mais aucune photo correcte à signaler. On voit passer un vol de bécasseaux violets (Purple sandpiper). Dès qu’on n’est pas au soleil, le vent froid nous gèle sur place. On reprend la route pour se rendre à Bar Harbor sous un coucher de soleil incroyable. 

Le 24 décembre, on parcourt la Schoodic National Scenic Byway. Schoodic est la péninsule au nord de celle de Bar Harbor. Aller d’une péninsule à l’autre est particulièrement chronophage car il faut à chaque fois revenir à l’intérieur des terres. On fait donc une journée par péninsule au moins. Celle de Schoodic est parcourue par une route unique au bord de laquelle on s’arrête fréquemment pour prendre des photos de la côte rocheuse. On commence par un arrêt à Frazer Point où on trouve plusieurs Eiders à duvet mais la lumière n’est pas terrible pour les photos. A Schoodic point, on tente des photos des vagues qui se fracassent violemment contre les rochers. Arrivée à Blueberry Point, j’aperçois un couple de Petit Garrots, une autre espèce de canards plongeurs (BuffleHead) dans la crique. Ni une ni deux, je me fonds dans les rochers allongée, bientôt imitée par Juju. On attend patiemment qu’ils daignent se rapprocher de nous dans la lumière de fin de journée. Tellement patiemment que la mer a le temps de monter et que je me retrouve bientôt les coudes dans l’eau. On finit enfin par décoller et rejoindre le pauvre Ulysse. Evidemment, il est trop tard pour faire la randonnée qu’on avait en tête (oups!) pour le coucher du soleil. On monte donc en haut de la colline qui nous surplombe (Schoodic Head) à toute allure afin de voir le coucher du soleil en essayant de ne pas glisser sur les plaques de verglas. Pour le réveillon, cette fois on évite l’écueil du bar à 16h et ce sera les pizzas et les bières de Blaze. De mon côté, je me régale d’une découverte locale, le vin de myrtille (plus sucré, c’est le diabète instantané! Il faut imaginer quelque chose proche de la crème de cassis pure). 

Le 25 décembre, après les appels aux familles respectives, on fait la partie de la Park Loop Road qui est ouverte en hiver sur la péninsule d’Acadia (Sand Beach, Thunder Hole,…). C’est notre deuxième séjour sur la péninsule d’Acadia où on avait déjà passé Noël en 2018 donc on s’est un peu maitrisé sur les photos. La journée est très grise et pluvieuse et on finit par battre en retraite au AirBnB probablement au profit d’une énième partie de Wingspan (on reste dans la thématique du voyage). 

 

Le 26 décembre, Ulysse et moi abandonnons Juju pour un autre lever de soleil. On s’installe sur la route de Bar Harbor (Hulls Cove) où le soleil timide derrière les nuages nous donne des lumières très bleues très longtemps sans qu’on soit bien sûr si le soleil est déjà levé ou pas. On tente ensuite notre chance à Hadley Point Beach, où on aperçoit un plongeon huard de loin et quelques macreuses mais rien de folichon d’un point de vue photographie. Pour la consolante, en rentrant au AirBnb, on observe notre premier renard (de jour) filer entre les arbres. 

On fait ensuite l’ascension de Cadillac Mountain qui est toujours aussi venteux avant d’aller montrer Jordan Pond (chemin qui n’est pas gelé cette année) à Juju. Beaucoup de vent. On finit la journée à chercher un spot pour les amateurs de photographie de paysage (Juju et Ulysse!). On tourne pas mal de temps car beaucoup d’accès au bord de mer sont privatisés ou particulièrement mal orientés pour la lumière. On finit dans une baie dont on a complètement oublié le nom à laquelle on a accédé par un petit chemin avec une corde et où des Petits Garrots me narguent au loin… La marée monte pendant que j’attends que les Garrots se rapprochent et je me retrouve une fois de plus les coudes dans l’eau. 

Le lendemain matin, on se faufile dans les rochers en contrebas du Phare de Bass Harbor, un spot bien connu des photographes de paysage. Après m’être aventurée à faire quelques photos de paysage, on se concentre sur les volatiles qui commencent à se rapprocher de la côte. Je réussi à immortaliser mes premiers Harélde Kakawi. On les avait aperçu à Quoddy Head mais cette fois je suis presque à leur hauteur et ils sont bien plus près. Les mâles ont une queue super longue et sont très élégants. Juju et Ulysse me font signe et là je vois un Petit Pingouin (Razorbill) à une trentaine de mètre de la rive. Ça fait partie des espèces qu’on espérait voir mais ils ne sont pas évident à repérer (contrairement aux mésanges boréales qu’on a jamais trouvé!). Il fait deux apparitions hors de l’eau puis disparait définitivement sous la surface.  On s’arrête ensuite au Seawall, Southwest Harbor où on se fait tout un film dans nos tête sur un vieux monsieur les yeux fermés dans sa voiture. Il semble dormir mais… Et s’il était mort? Bon sans surprise, le monsieur finit par se réveiller. De loin, on observe une femelle Eider à duvet qui se débat pendant plusieurs minutes pour avaler l’énorme gastéropode qu’elle vient de pêcher. Sur la route du retour, on s’arrête dans des petits ports dont un où un phoque s’est installé sur une plateforme flottante pour plonger l’été. 

Avec tout ça, il est 9h du matin et l’heure d’attaquer l’ascension de Sargeant Mountain. Sargeant Mountain est le deuxième point culminant du parc national d'Acadia, derrière  Cadillac Mountain. Avec son chemin de crête très large, Sargeant Mountain ressemble à Cadillac mais sans la route pavée qui mène à son sommet ce qui est censé réduire sensiblement le traffic. Bon de toute évidence, en plein milieu de l’hiver, la foule n’est pas vraiment un problème. Notre motivation pour monter au sommet et parcourir cette magnifique crête, (au-delà de la vue), c’est l’espoir d’apercevoir une harfang des neiges (Snowy owl), la chouette d’Harry Potter. Petite note au passage, Hedwige dans Harry Potter est en fait un garçon. Et oui, chez les harfang des neiges, seuls les mâles sont d’un blanc immaculé. Mais revenons à nos moutons, les harfangs sont présentes dans le Maine uniquement dans certains endroits et uniquement pendant l’hiver. Les Harfangs sont un oiseau emblématique de la toundra arctique. Le nombre d’harfangs des neiges qui migrent vers le Maine pendant l'hiver est étroitement lié aux cycles naturels de la population de lemmings de l'Arctique. Le lemming, un petit rongeur, est la principale source de nourriture des harfangs des neiges pendant la saison de reproduction. Les années où les lemmings se font rare en Arctique, les harfangs font irruption en grand nombre dans le quart nord-est des Etats-Unis où elles cherchent des paysages ouverts similaire à la toundra arctique comme les sommets de Cadillac et Sargeant Mountains, les aéroports, les plages,… Bon, on a fait une randonnée magnifique mais pas de trace d’harfang! Au passage, je me suis fait un magnifique bleue sur la jambe en glissant sur une plaque de verglas. Mon premier réflexe a été de protéger l’appareil photo plutôt que mon fessier : la base! 

28 décembre: on dit adieu à Acadia et on continue notre route vers le Sud. On fait un premier arrêt à Fort Point State Park (un phare de plus) où Juju se prend de passion pour des mésanges et fait ses débuts en photographie animalière. Pendant ce temps là, Ulysse et moi on explore les lieux. A chacun suivre des canards différents, on finit évidemment par se perdre. Je m’attarde un peu avec un plongeon huard (mais toujours rien de fou d’un point de vue photo, le problème des canards c’est qu’ils restent souvent très loin et c’est compliqué sans affût….). Notre prochaine étape consiste à observer à nouveau des canards depuis le port de Belfast (Belfast Harbor Pier). Un plongeon huard (toujours eux) s’approche des bateaux. Ni une ni deux, je descend une échelle avec mon 600 mm qui ballotte autour du cou pour accéder à une plateforme d’accès aux bateaux qui tangue sous l’effet des vagues. L’objectif: être au niveau du plongeon huard (les photos en plongée en animalier sont rarement très heureuses). Bien évidemment, une fois que j’ai accédé à cette fichue plateforme, le canard a déjà plongé et un pêcheur furibond m’indique que je n’ai absolument rien à faire là. Penaude, je remonte et on part sur des activités plus calmes (genre cookie/café) et Juju fait l’acquisition d’une magnifique peluche homard. On se remet en route et je nous amène vers les champs de myrtille du plateau d’Appleton à la recherche des hiboux des marais… La vue est magnifique, la météo est au déluge et au brouillard. On mange nos wraps, gelés dans la voiture, guettant l’apparition des hiboux (ils se mettent en chasse au crépuscule). En vain! Il est donc temps de gagner notre AirBnB au fin fond d’une péninsule de Brunswick. 

 

Le lendemain matin, Ulysse et moi repartons pour un autre lever du soleil au bout de la route de notre logement. On y observe des macreuses et des oies de très loin et des canards colverts. Du coup, j’utilise plutôt Ulysse comme sujet de photo. On rejoint Juju et après une séance d’observation des passereaux du jardins (on essaie de montrer des merlebleux à Juju), on se met en route pour Morse Mountain où on se balade d’abord au niveau de la rivière Sprague et du marais salant environnant avant de prendre de la hauteur et d’admirer les méandres naturels des canaux qui serpentent pendant 2.5 miles jusqu’à l’Atlantique. On y observe quelques sizerins flammés (pour les photos de sizerins flammés, ce sera dans les prochains articles du blog, celles du Maine n’étant pas terribles). Notre prochain arrêt est pour Popham Beach State Park et ses immenses plages de sable. Le vent fait tournoyer le sable comme des rafales de neige à nos pieds. On finit la journée à Reid State Park. Après avoir vu une macreuse à ailes blanches (white-winged scoter), je passe un long moment allongée au soleil sur les rochers à photographier un couple d’Harélde kakawi. Je finis par décoller et on s’enfonce dans le parc, à la découverte des plages rocheuses. Tant et si bien que quand le soleil tombe, on est bien loin de la sortie (on est plutôt en train de faire des photos de la lune dans un ciel rose magnifique) et le Ranger en charge de la fermeture des barrières du parc est un peu agacé de cette voiture sans conducteurs à l’entrée du parc. On presse le pas et on remonte dans notre voiture en se confondant en excuses. A Brunswick, Juju et moi rentrons dans un petit magasin hippie où on se fait alpaguer par le vieux gérant qui nous fait goûter tous ses thés… Faute de meilleure idée pour se dépêtrer de ce traquenard, on revient les mains pleines de thé!

Le 30 décembre au matin, aucun d’entre nous ne trouve la motivation et l’énergie de se lever tôt. On arrive donc vers 11h30 à Pemaquid Point Lighthouse Park mais malgré l’heure tardive, la lumière est incroyable à travers les nuages. Ce phare et la roche incroyable sur laquelle il est dressé ont été élus phare le plus photogénique de ces vacances. Pendant qu’Ulysse enchaine les cadrages de roche et de phare, j’entame l’escalade des rochers pour me rapprocher d’un énième canard (en l’occurence un Eider à duvet mâle en plumage nuptial) en faisant attention aux plaques de gel qui rendent l’exercice… glissant! Pour info, ma tenue de référence du voyage c’est un pantalon déperlant, une softshell et un bonnet noirs qui me permettent de me confondre sans trop d’effort avec la roche noire environnante. Seul mon sac à dos bleu peut me trahir mais globalement je finis toujours par l’enlever (je vous mets au défi d’essayer de faire de la photo allongée avec un sac à dos bien chargé sur le dos). A tel point, qu’Ulysse et Juju me perdent régulièrement de vue et Ulysse a inventé un nouveau jeu “Trouvez Titia” sur les photos pixelisées au portable (même moi je n’arrive pas à me trouver sur certaines). On finit la journée en allant de port en port à la recherche de gros-bec errants (evening grosbeaks) qu’on ne trouvera jamais. Par contre, on trouve un Guillemot à miroir (Black guillemot) en plumage inter nuptial que je mets un petit moment à identifier. 

31 décembre: Cap sur Biddeford Pool. Une harfang des neiges a été vue dans le secteur. On la trouve assez facilement sur une cheminée de la rangée de maisons qui bordent la plage. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurai abandonné notre voiture sur le premier parking venu au risque de se la faire enlever avec l’intégralité de nos affaires dedans. Heureusement, Ulysse prend quand même le temps de garer correctement la voiture pendant que je trépigne d’impatience sur le siège passager. Afin d’éviter tout dérangement, on surveille si la chouette nous regarde ou fait attention à nous. Si c’est le cas, c’est une indication que nous devons reculer. Les harfangs chassent principalement la nuit ou à la tombée du jour. La journée, elles essaient de se reposer. Par ailleurs, les chouettes qui arrivent dans le Maine sont souvent des jeunes inexpérimentés, souvent épuisés par le voyage. S’approcher trop près et les faire s’envoler, leur fait consommer de l’énergie inutilement et chaque année un certain nombre d’individus meurent d’épuisement en partie à cause d’observateurs qui ne respectent pas ces distances de sécurité. On se régale à distance même si l’environnement est peu photogénique. On peut dormir sur nos deux oreilles, on a rempli notre contrat de guide naturaliste avec Juju (l’harfang des neige était un peu plus haut dans sa Wish list que tous les canards, bizarrement)! On continue notre exploration de la zone de Biddeford avec East Point Sanctuary où on a l’occasion d’approcher de près des bécasseaux violets (Purple sandpipers) et où un plongeon huard s’approche très près de moi (genre tellement près qu’il ne rentrait même plus dans mon objectif) alors que je suis tapie dans les rochers. Même si mes capacités de camouflage sont au top, il me semble qu’il avait surtout un problème à l’oeil droit qui l’a empêché de me repérer plus vite. 

 

On finit la journée à Dyer Point où on entraperçoit les arlequins plongeurs. Même Juju, quand elle les voit à la jumelle reconnait qu’ils sont vraiment très beaux ces canards! La lumière est cependant trop faible pour espérer faire quoi que ce soit de décent… Je me promets de revenir les chercher le lendemain et je m’éloigne à contre-coeur. Il parait que c’est le 31 décembre et qu’on ne se nourrit pas d’observations naturalistes! On trouve un restaurant à emporter dans Portland et après un passage dans une microbrasserie locale chaudement recommandé par nos amis, nous voilà au chaud à Brunswick pour réveillonner. 

Le 1er janvier, on empaquette à nouveau nos affaires et on s’attelle à la visite de Portland. On commence par Spring Point Ledge Lighthouse, mais ce phare ne nous enthousiasme pas vraiment. On tente ensuite celui de Cape Elizabeth, Portland Head Light dont les environnements sont très aménagés. Globalement, notre sentiment, c’est que le nord de la côte du Maine est beaucoup plus sauvage et que l’urbanisme gagne beaucoup (trop) de terrain au sud avec des villes balnéaires pas très heureuses. Cela dit, d’un point de vue photographie animalière, il était beaucoup plus facile d’avoir de la proximité avec les canards sur la côte Sud. On retourne donc du côté de Dyer Point à la recherche de mes arlequins plongeurs. Ils sont bien là mais beaucoup plus loin que la veille. On les suit et bientôt on n’évolue plus sur de la roche mouillée mais directement sur les algues (honnêtement, je me demande comment mon appareil photo est encore en vie). Mais ça y est! Je les ai dans le viseur et qu’est ce qu’ils sont beaux! Le nom commun (arlequin) et le nom scientifique (histrionicus) de cette espèce de canard  font référence à la nature presque théâtrale du plumage coloré du mâle. C’est une des espèces d'oiseaux aquatiques les plus spectaculaires d'Amérique du Nord, non seulement en raison du plumage saisissant du mâle, mais aussi en raison des paysages spectaculaires dans lesquels il vit.  En hiver, on les trouve presque exclusivement sur les côtes rocheuses battues par les vagues. Ils sont ballotés par les vagues en petits chapelets de mâles et de femelles à proximité des rochers. De nombreux arlequins plongeurs souffrent de fractures dues à une vie passée à être ballottés dans l'eau agitée.

Sur ces rochers bien exposés, on retrouve également des bécasseaux violets pour notre plus grand bonheur (je ferais un article avec un peu plus d’infos sur cette espèce dans les prochaines semaines car j’ai eu l’occasion de la photographier à nouveau quelques semaines plus tard). Sinon, ce jour-là on a aussi mangé mexicain à emporter et comme on est un peu des extrémistes, on a refusé en bloc couverts en plastique et serviette en papier condamnant la pauvre Juju à un repas périlleux à base de sauce tomate. 

Pour les derniers jours, on loge à Wells, dans une résidence de vacances très balnéaires pas très heureuse à notre goût. Le lendemain, notre excursion à la réserve de Kennebunk Plains se fait sous les flocons et la grisaille. On cherche des bruants des neiges (snow bunting) dans les vastes prairies mais tout ce qu’on trouve c’est une bernache du Canada! On se balade ensuite dans la réserve de Wells National Estuarine Research qui inclue un corps de ferme (Laudholm Farm). On y lit sur les panneaux que les blocs de glace étaient taillés et expédiés depuis ici jusqu’au Sud des Etats-Unis où ils servaient de réfrigérateur pendant plusieurs mois. On se rappelle nos vacances de l’année passée à Savannah en Géorgie où on avait visité une vieille maison qui avait encore l’emplacement pour un de ces fameux blocs de glace frigo. On finit la journée avec un coucher de soleil splendide sur Well’s Beach où on assiste à la chasse du busard des marais. 

3 janvier: c’est l’heure de plier bagage pour de bon cette fois. Enfin presque, on s’arrête pour une dernière balade à Marginal Way, Ogonquit, un petit sentier pédestre étroit, pavé, long d'un kilomètre, qui longe le rivage rocheux. On y fait nos adieux aux arlequins plongeurs, aux macreuses, aux plongeons huards… Le sentier est bordé d'arbustes bas, où moineaux et cardinaux jouent à cache-cache avec l’objectif de Juju. On va jusqu’au fond de la crique où un oiseau rare a été repéré dans les jours précédents : un troglodyte des rochers (Rock Wren). Il est temps de parfaire la formation ornithologique express de Juju qui, rappelons-le, ne connaissait pas grand chose aux oiseaux avant ce voyage.  Pourquoi cet oiseau est-il une rareté et excite tous les ornithologues du coin ? 

Le troglodyte des rochers vit à l’ouest des Etats-Unis de l’autre côté du continent et certainement pas dans le Maine. En l’occurence, quand on arrive, la petite crique est patrouillée par quelques individus aux standards vestimentaires louches qui scrutent à la jumelle chaque rocher de la crique dans l’espoir de voir le petit troglodyte se balançait au sommet de l’un d’entre eux.  Et ce qui restera l’anecdote phare de ce voyage, c’est un individu qui vient de descendre de son véhicule qui s’approche doucement de Justine et lui murmure d’un air entendu “Anything yet?” (“Rien pour l’instant?”) comme dans une scène de planque d’un film policier. Juju ne savait pas trop si elle devait plus rire des pratiques de cette communauté de gens bizarres qui courent après les oiseaux ou bien du fait qu’elle savait exactement à quoi faisait référence ce monsieur. La suite de cette histoire c’est que Juju s’est rapidement acheté un guide ornithologique et des jumelles et que nos textos commencent souvent maintenant par un point ornithologique de nos dernières observations! Morale de l’histoire: faites attention si vous partez en vacances avec moi, c’est contagieux! J’en suis à deux convertis!!

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