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Août partie (2/3) : Meacham Lake

Mi-août ca y est on est prêt à repartir en camping et le compte à rebours est déjà lancé avant le retour de l'hiver... On est bien déterminés à en profiter à fond. On a également quelques espèces d'oiseaux dans notre viseur puisque dans le nord des Adirondacks, il y a quelques poches de forêts boréales.

Alors petit rappel, il existe 4 types de forêts :

  • tropicale (avec des températures annuelles supérieures à 18°C et de l'eau en abondance où n'importe quelle créature peut y prospérer),
  • subtropicale
  • tempérée où on retrouve le cycle des quatre saisons. La plupart des forêts aux États-Unis sont des forêts tempérées. Selon les régions, vous pouvez trouver des forêts de conifères ; des forêts de feuillus avec des arbres qui perdent leurs feuilles chaque année ; et certaines forêts avec un mélange de feuillus et de conifères. Le froid de l'hiver signifie que les forêts tempérées n'ont pas la variété de vie animale et végétale des régions subtropicales ou tropicales, et beaucoup d'animaux hibernent ou migrent pendant l'hiver.
  • boréal (Canada) appelée également taïga en Russie. Ces forêts sont caractérisées par un climat froid, de faibles précipitations qui se présentent sous forme de brouillard et de neige, avec un peu de pluie pendant les mois d'été. Les sols sont souvent pauvres en nutriments (car les températures froides ne permettent pas au feuillage de pourrir et de se transformer en terreau) et acides, en raison de la chute des aiguilles de pin.  Dans les Adirondacks, ces écosystèmes boréaux prennent la forme de tourbières comme celle de Bloomingdale et des marécages de conifères. La rigueur de l'hiver limite la diversité animale mais certaines espèces y sont parfaitement adaptées dont la mésange à tête brune (Boreal Chickadee), le Mésangeai du Canada (Canada Jay), le Pic à dos noir (Black-backed woodpecker), le Tétras du Canada (Spruce Grouse). Hormis ces oiseaux, on espère voir des élans et des plongeons huards (canard plongeur). Voilà ça c'est l'objectif des prochains week-ends et ça tombe bien ces zones des Adirondacks sont moins fréquentées que celles des high peaks avec les hauts sommets. 

On part donc le vendredi en fin d'après-midi pour rejoindre le camping de Meacham Lake avec notre récolte du jardin de la veille et des plats pré-cuisinés (le camping 0 Déchet c'est bien mais ça demande pas mal de préparation et d'organisation pendant la semaine). Le trajet passe vite en écoutant un épisode du Podcast Invisibilia (très très bien mais en anglais). Arrivé au bord du lac Meacham, on plante notre petite tente avant de déguster notre dip aux poivrons et nos crêpes au coin du feu! On observe un énième crapaud dans les feuilles en allant aux toilettes et je fais un peu de botanique avant d'aller au dodo en identifiant l'arbre à côté de notre voiture (Un caryer ovale en l'occurence, shagbark hickory en anglais).

 

Il semblerait que j'ai réveillé Ulysse en plein milieu de la nuit pour l'informer de la présence d'un colibri dans la tente (plutôt dans ma tête en fait). Autant vous dire, qu'il est bien reposé quand notre réveil sonne à 4h du matin. On a repéré une petite rando assez facile qui devrait nous permettre d'être au sommet au lever du soleil. On roule doucement à la lumière de la lune et des planètes en faisant attention aux possibles élans (et oui ils sont censés être particulièrement présents sur cette route et on maximise nos chances de les observer en y roulant de nuit). Bon, pas d'élan mais pas de départ de rando non plus. Sans GPS, à la frontale et avec la carte, on fait 2 demi-tours avant de trouver la bonne route... Mais toujours pas de départ de rando en vue...Au bout de quelques kilomètres, on est convaincu qu'on l'a loupé mais on hésite à faire notre 3ème demi-tour de la matinée. Je finis par me rappeler que j'ai sauvegardé la rando sur l'application Alltrails et miracle, même sans réseau, l'app arrive à nous placer le point sur la carte et à nous géolocaliser. Je crie stop quand les deux petits points se superposent et on se gare sur un talus herbeux qui est de l'autre côté du départ de la rando... Pas étonnant que nous l'ayons loupé dans le noir. On enfile les chaussures de rando, le sac à dos, on engloutit quelques crêpes et c'est parti. Résultat, il est 5h13 au lieu de 4h30 quand on commence la rando et il ne nous reste plus beaucoup de temps pour arriver en haut avant le lever du soleil. Top chrono : 1.7km, 300m de dénivelé en 3/4h tout pile. L'horizon rougeoyant qui perce entre les arbres m'indique qu'il faut presser le pas. Seul le chant de la grive et le tambourinement des pics accompagnent notre montée. La fin du sentier est très pentue mais bientôt j'entends un petit cri de joie d'Ulysse qui a atteint le sommet. J'arrive à mon tour à 5h56 (pour un lever du soleil à 6h)! On sort vite trépied et appareil photo avant de chercher un angle de vue sympa. D'un coup la forêt s'agite et le sommet des arbres prend vie avec des geais, des sittelles, des parulines à croupion jaune,... On assiste au spectacle incroyable de deux faucons à quelques mètres au-dessus de nos têtes qui se pourchassent et s'empoignent en plein vol (pas de jolies photos de ce spectacle malheureusement). On mange un bout avant de prendre le chemin du retour, chemin que l'on découvre puisqu'il faisait nuit à l'aller. Entre les fougères, on entend le babillement d'un troglodyte des forêts... On le localise à grand peine car il fait assez sombre et il est super actif. Je prends une photo berk pour dire que puisque c'est la première fois qu'on le voit (on l'a d'ailleurs recroisé fin novembre près de chez nous et cette fois j'ai pu avoir un peu plus de lumière pour tirer son portrait). On arrive sans encombre à la voiture malgré mes traditionnelles pauses crapauds et champignons. 

Après un deuxième petit déjeuner (avec les biscuits de notre amie Eliza et les tomates cerises du jardin), on se dirige vers le premier spot ornithologie du week-end à la recherche des espèces mentionnées au début de l'article : Debar Pond. On s'aventure sur un caillebotis aux planches branlantes envahies par la végétation à la recherche du pic à dos noir... On arrive au bord du lac Debar mais tout est très silencieux hormis quelques jaseurs d'Amérique perchés dans les cimes des arbres. On y découvre une immense maison qui s'avère être un camp de vacances mais l'endroit est désert. Alors qu'on explore l'endroit, les passereaux commencent à s'agiter dans les branches des conifères : gobemoucheron, sittelle à poitrine rousse, paruline à croupion jaune, grimpereau, roitelet,... Seul le gobemoucheron est suffisamment coopératif pour une petite photo. Alors que je piste les petits passereaux à la recherche d'un angle intéressant pour les photos à la limite du torticolis, Ulysse me fait signe de prêter l'oreille. Le son en question ressemble à s'y méprendre à l'idée que l'on se fait du hurlement d'un loup... Pourtant, on sait que ce n'est pas d'un loup qu'il s'agit mais du fameux plongeon huard que l'on essaie de voir. On se rue au bord du lac dans l'espoir de l'apercevoir mais on ne distingue rien hormis peut être une vague silhouette, à moins qu'il s'agisse de notre imagination. On finit par rentrer à la voiture pour un énième casse croute où on croise une femelle Paruline à gorge orangée (Blackburnian warbler). On remonte en voiture et bien sûr au moment où je baisse les yeux sur mon téléphone pour regarder notre prochaine destination, une perdrix femelle puis 2 traversent devant notre voiture. On arrête la voiture en plein milieu du chemin de terre et on s'assoit devant. On entend à nouveau un gloussement puis une autre femelle traverse rapidement, trop rapidement pour une photo ou pour une identification formelle. On l'observe dans les bois à demi-cachée... Le mystère reste entier à ce jour: s'agissait-il du Tétras du Canada, l'un des objets de notre quête ou bien de la plus commune gélinotte huppée? Nul ne le sait mais on est quand même bien contents de notre observation. 

Notre prochaine escale est Deer River Flow dans l'espoir d'y trouver le pic à dos noir. Après 4 demi-tours pour trouver un accès public, on finit par accéder au lac par un petit sentier au milieu des résineux. On y trouve des mésanges et plusieurs pics mais pas celui à dos noir. On lézarde un petit peu au soleil au bord du lac avant de reprendre la route. On arrive dans la petite ville de St Régis Fall où il y a un énorme rassemblement d'une centaine de motards en quad, buggy et motos, tous tatoués et arborant des T-shirts en l'honneur de l'un des leurs, décédé en 2020, avec des coupes mulets pour certains et assez peu de masques malgré le COVID.  Après les avoir croisé sur la route, on les retrouve à la station essence dont la décoration est assez étrange avec une dizaine de cerfs et d'ours empaillés et un canon suspendu...

On emprunte une piste Dexter Road au milieu de la forêt puis de la tourbière sur laquelle on ne voit pas grand chose sous le cagnard de l'après-midi..mais au bout on découvre un joli point de vue sur la rivière Saint Régis sur laquelle on aperçoit (enfin) un plongeon huard ainsi qu'un martin pêcheur. Malgré toutes mes tentatives photos, le plongeon huard est beaucoup trop loin... Mais on sait qu'il est là! On convient donc d'y revenir le lendemain matin au lever du soleil. 

Il fait assez chaud et on commence à être fatigués de notre journée qui a commencé tôt. On se met donc en route avec la ferme intention d'aller roupiller au camping...jusqu'à ce qu'Ulysse croise un panneau pour le lac Madawaska via une piste.  Ce lac fait aussi partie de notre to-do list du week-end mais on a prévu de le faire le lendemain via une autre route. Qu'à cela ne tienne, Ulysse a un regain d'énergie pendant que je somnole tout en serrant les fesses (on a beau avoir un 4*4 je ne suis jamais vraiment en confiance sur les pistes avec des grosses ornières et des  cailloux, j'ai toujours l'impression de conduire ma C3). La piste coupe à travers la forêt sur ce qui semble être d'abord un chemin pour le débardage du bois mais sur la fin on y trouve quelques maisons (probablement secondaires car on imagine mal comment ils déneigent en hiver sinon). Clairement le voisinage est pro-trump avec des drapeaux américains partout, des pancartes Trump 2020 et même une bannière "honk for Trump" (Klaxonnez pour soutenir Trump). Après 25 minutes de musculation du fessier sur la piste à craindre pour nos pneus, il s'agit maintenant d'affronter les taons qui rodent autour de la voiture. Heureusement, le chemin est très joli et moelleux grâce aux épines de pins qui jonchent le sol. Avec de grands pins et des feuillus qui constituent une autre poche d'habitat boréal où chercher nos espèces cibles, on est attentif au moindre bruit et mouvement. On commence par voir des petits roitelets puis on entend le tambourinement de pics. On le cherche des yeux mais déception il s'agit d'un pic mineur (assez classique chez nous)...Par acquis de conscience, on cherche l'origine d'un deuxième tambourinement sans vraiment y croire...Mais cette fois c'est la bonne! On a trouvé le pic à dos noir! On en a même trouvé deux. Mon envie de sieste s'envole d'un coup et un sourire idiot aux lèvres, j'entame une partie de cache-cache avec le pic pour essayer de rapporter une photo. Après un dernier cliché où le pic à dos noir me fait l'honneur d'étirer ses ailes tout en montrant son capuchon jaune au sommet de sa tête, je me résigne à quitter l'endroit pour sauver le pauvre Ulysse, harcelé par les mouches, non sans tenter d'identifier un dernier champignon... On reprend la piste en sens inverse et on y croise une nouvelle perdrix (probablement la gélinotte huppée) et une buse à queue rousse. On s'arrête même le temps d'identifier l'origine de bruits inquiétants qui font penser à un mammifère blessé. Fausse alerte, il s'agit en fait des cris d'un juvénile Buse à queue rousse.  De retour au lac, on se baigne avant d'aller enfin se poser un petit peu.  Après un coucher de soleil au bord du lac, on se met au dodo à 20h sans tergiverser. 

Le lendemain matin, on plie en silence notre tente dans le noir à 5h du matin (pour être complètement exact, on jette la tente dans le coffre de la voiture). On retourne au bord de la rivière St Régis pour un lever du soleil dans la brume. Le plongeon huard n'est pas là cette fois mais le martin-pêcheur est bien à l'affut sur son rocher. et les oies pataugent tranquillement en famille. On profite de ce spectacle paisible en prenant des photos et en mangeant quelques crêpes. 

On reprend la piste de la veille (Dexter Road) au milieu de la tourbière bien plus active au petit matin avec un faucon, des pics et un geai bleu juvénile. On emprunte ensuite Blue Mountain road, qui s'avère être une autre piste de près de 24 kilomètres au milieu, là encore, de forêts boréales. On y croise une autre tourbière avec un autre faucon, des chardonnerets jaunes et quelques jaseurs d'Amérique. 

On s'arrête un peu par hasard auprès d'un lac Benz Pond isolé de la piste par une bande forestière d'une trentaine de mètre. Le lac qu'on y découvre est magnifique et surtout on y voit trois plongeons huard au loin ... et ils viennent dans notre direction. On se pose  dans la mousse spongieuse avec le soleil qui nous réchauffe pour les observer. Ils sont en train de chanter leur trémolo vibrant qui constitue habituellement un comportement territorial (difficile de dire s'ils agissent ainsi à cause de notre présence ou pas). Ils battent des ailes puis volent au ras-de-l'eau avant de se reposer un peu plus près de nous. Je crois qu'il s'agit d'un des meilleurs moments de notre été: ce sentiment de plénitude, loin de tout, à observer ces animaux que l'on a cherché une bonne partie de l'été (et ce avec une assez bonne proximité) et d'avoir le privilège d'assister à ce comportement étonnant. Ils passent régulièrement la tête sous l'eau à la recherche de poisson.

Après tant d'émotions et de recherches, vous vous doutez bien que vous allez avoir le droit à quelques fun facts sur les plongeons huards. Les plongeons huards sont de très bons indicateurs de la qualité de l'eau d'un lac car ils ont besoin d'une eau claire pour voir les poissons, d'une quantité de poisson suffisante (environ 500kg ingérés en un été par une famille avec deux adultes et deux petits). Ils ont besoin de très grands lacs car il leur faut 400 mètres de distance minimum pour pouvoir décoller (ils peuvent ainsi se retrouver coincés s'ils atterrissent sur de petits étangs). Leur atterrissage dans l'eau me fait franchement penser à un pingouin, avec le ventre en premier. Les parkings et les routes sont  autant de pièges pour les plongeons huards qui les confondent avec de grandes étendues d'eau. 

Après avoir cherché longtemps un des plongeons huards qui a plongé sans jamais refaire surface (il a probablement émergé de l'autre côté du lac), on finit par repartir, le sourire aux lèvres. On ne trouvera jamais l'accès au lac Madwaska par ce côté (finalement heureusement qu'on y a été la veille). A l'occasion d'une pause sur la route, j'en profite pour utiliser mon petit guide d'identification des arbres sur des pins en analysant la longueur et le nombre d'aiguilles ainsi que leur écorce : pin blanc (Eastern white pine), pin rouge (red pine), pin sylvestre (scotch pine), tsuga (hemlock) et un conifère mystère). 

 

Sur la route du retour, on s'arrête pour une pause milkshake à Lake Placid à Emma's. C'est très étrange de voir tout ce monde dans cette station balnéaire après avoir passer deux jours au milieux des bois. Le week-end s'achève par un détour au jardin qui nous inonde d'haricots. 

 

Je vous donne rendez-vous dans le prochain article pour un week-end de 4 jours à Cape Co dans le Massachusetts. 

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