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Mai ou le mois de la migration

Hello. Dur en ce moment de trouver du temps pour le blog ou le tri de photos. La charge de travail au boulot impose des journées de 10h à 11h tous les jours voire plus. Comme on veut aussi profiter de l'été et de l'automne avant que la neige arrive (oui oui fin août la neige n'est déjà plus très loin), on essaie de partir en camping quasiment tous les week-ends avec plusieurs week-ends de trois jours. Si on rajoute à ça le jardin prolifique qui s'obstine à nous donner des kilos de légumes toutes les semaines à mettre en conserve, j'ai beaucoup de mal à me poser. Mais j'ai enfin fini de trier, éditer et compiler les photos des sorties ornithos du mois de mai donc il ne me reste plus qu'à vous les commenter.

 

En mai, on est toujours confinés mais on peut aller faire des sorties ornithos. Après sept mois passés sous la neige à voir et revoir les mêmes oiseaux dans le jardin, chaque journée de printemps apporte son lot de nouveaux arrivants. La migration printanière voit des milliards d'oiseaux migrateurs quitter leurs zones d'hivernage et se diriger vers le nord pour retrouver leurs lieux de nidification et de nourissage favoris.

 

Mais au fait, pourquoi les oiseaux entament-ils ce voyage super dangereux deux fois par an? Globalement, la réponse est leur survie et celle de l'espèce. Pour tous les oiseaux, les principales forces motrices de la migration sont les ressources alimentaires et les conditions de nidification. Si tous les oiseaux restaient sous les tropiques, la concurrence pour la nourriture ainsi que les sites de nidifications serait trop importante. C'est aussi vrai pour les oiseaux qui migrent sur de plus petites distances.  Le climat est également clé: la nidification se fait à une température bien précise et il est possible que pour certaines espèces les climats tropicaux soient trop chauds pour la nidification. Certains oiseaux migrent aussi pour aller nidifier dans des zones innatteignables par les prédateurs comme des côtes très rocheuses.

 

 

Bref, maintenant que je commence à bien connaître mes oiseaux locaux, l'envie de voir et d'immortaliser des espèces inhabituelles près de la maison me titille. Certaines espèces ne sont que de passage et d'autres restent dans notre zone pour l'été. Malgré tout, la migration permet généralement de bien voir ces espèces sur leurs pause-étapes dans des écrins de verdure avant qu'elles se dispersent dans les forêts et les buissons. La migration des parulines (warblers) au printemps est particulièrement chouette car tous ces petits oiseaux portent leurs plus belles couleurs de reproduction. Direction donc Five rivers, une réserve avec beaucoup d'habitats différents (forêt, prairies et zones humides) réunis sur une petite superficie. C'est la première année que je commence à faire vraiment attention à la corrélation entre habitats et oiseaux et ça donne une toute autre dimension à l'exercice. Chaque espèce a ses préférences en termes de type d'habitat et cela permet de se dire par exemple quand on arrive dans une prairie, je m'attends à voir des hirondelles bicolores, des merles bleus d'Amérique et des carouges à épaulettes. On commence doucement la saison avec une trentaine d'espèces vues et identifiées en ce 2 mai.

Sortie suivante avec Eliza et Alex. Alex s'occupe de la communication pour une association de conservation (Saratoga PLAN) qui fournit des terres aux agriculteurs et gére des réserves naturelles. En se baladant dans une de ces réserves, on cherche des petits lys (érythrone d'Amérique) qui forment de magnifiques tapis jaunes au printemps et on prépare un projet de webinar d'initiation à l'ornithologie pour début juin.

On retourne également à la réserve de Dyken Pond où les grenouilles de bois ont laissé la place aux rainettes crucifères (Spring peeper). Elles ont beau être grandes comme la moitié de mon pouce, elles font beaucoup beaucoup de bruit. Ulysse a réussi à en localiser une et à ramener une photo. Je vous mets au défi de la trouver sur la première photo.

Je profite donc du mois de mai pour poser quelques jours de congés afin de profiter du printemps au maximum. Il fait encore un peu frais (voire très frais puisqu'il neige encore au 9 mai) surtout au lever du soleil. Je vais me balader dans le cimetière à côté de chez notre ami Eliza. Drôle d'endroit je sais mais ici les cimetières sont couverts d'herbes et avec de très beaux arbres ce qui en faitt souvent des havres de paix pour les oiseaux comme pour les promeneurs. Je rejoins ensuite Eliza qui est dans sa journée de cuisson du pain qu'elle va ensuite livrer à ses clients. Entre deux fournées à sortir du four, on continue de réfléchir à la structure de notre webinar d'initiation à l'ornithologie. La matinée passe à toute vitesse entre nos bavardages et les oiseaux que l'on voit super bien depuis la terrase surélevée de ses parents qui donne sur la cime des arbustes. On voit même une buse à queue rousse attraper un rat devant nous et je réussis enfin une photo sumpa de Cardinal à poitrine rose qui arrive tout droit d'Amérique du Sud.

Nouveau week-end, nouvelle sortie à la Pine Bush Preserve d'Albany. Cette fois, on atteint les 40 espèces. Parmi les oiseaux sympas du jour, la paruline masquée qu'on avait croisé en Floride. On la retrouve dans le même type d'habitat à savoir la végétation dense et basse dans les zones humides. Et depuis que je sais ça, et bien j'en vois bien plus que l'an dernier. J'ai même réussi à faire quelques photos. Ulysse voit son tout premier Oriole de Baltimore (oiseau orange vif, photo dans la suite de cet article) et on passe un bon moment au bord du lac à se faire frôler par les hirondelles. Pas de photos en vol mais enfin un joli portrait d'une hirondelle rustique.

Entre deux sorties, je continue à épier les petits habitants de notre jardin... Le cardinal à poitrine rose est bien arrivé dans notre jardin aussi mais il n'est pas tout seul... Alors que je regarde presque machinalement les bruants (c'est les oiseaux qui ressemblent à des moineaux), j'en vois un qui me semble légérement différent. Comme tous ces bruants se ressemblent quand même beaucoup et parceque je suis un peu (beaucoup) myope, je demande une vérification à l'arbitre (Ulysse) avant de descendre en 4ème vitesse prendre en photo le bruant à couronne blanche... Il ne restera que deux jours avant de reprendre sa route vers l'Artique Canadien.

Pendant qu'Ulysse s'exerce à l'escalade sur le mur construit chez Eliza et Sebastian, moi je m'attelle à la réalisation de deux photos que j'avais en tête depuis quelques jours: celle d'un passereau au milieu de l'éclosion de fleurs roses d'un arbre et celle d'un pic flamboyant dont la loge (nid) est située dans un tronc couvert de champignons qui lui donne une texture incroyable. Pour le pic, il m'a fallu m'allonger dans l'herbe et trainer mon tee-shirt dans tout le jardin afin de trouver un angle qui me convenait. Le seul passereau qui a bien voulu se poser dans l'arbre en fleurs est une petite mésange une fois qu'il faisait déjà bien sombre... Mais je suis très contente du rendu de ces deux photos. Petit aparté: comme le pic vert en France, le pic flamboyant n'agit pas vraiment comme un pic et se nourrit principalement au sol.

Mi-mai, c'est quasiment le pic de la migration. Je pose mon jeudi matin pour retourner à Five rivers. 7h du matin: j'ai en tête un plan très précis du temps à passer dans chaque zone pour aller dans chacun des habitats avant midi.... Plan qui vole en éclat au moment où je tombe sur deux familles d'oies... L'occasion rêvée de tenter des photos à contre-jours comme celle d'un de mes photographes animaliers préférés que je suis sur Linkedin (Ray Hennessy) sur des sujets relativements peu mobiles. Je me méfie quand même et je respecte prudemment une bonne distance de sécurité car les parents oies n'hésitent pas à défendre farouchement leur petits... au point qu'il y a une pancarte qui met en garde: "attention aux attaques d'oies". Un jeune cerf passe dans le ruisseau en contrebas sans me prêter grande attention. Quand je repars enfin le soleil est déjà bien haut mais je réussis quand même quelques observations supplémentaires: un caneton et sa maman canard banchu d'assez près (je les vois régulièrement à côté de notre appartement mais ils sont généralement très farouches), une paruline à croupion jaune à hauteur d'oeil, une nouvelle paruline dans ma liste (la Paruline à ailes bleues) et mes toutes premières photos de paruline couronnée. J'aperçois également de très loin mon premier Goglu des prés dont le nom anglais bobolink est un peu plus glamour que la version française. 41 espèces pour cette matinée mais le meilleur reste à venir.

Maintenant que mon oreille et mes réflexes photographiques sont à nouveau affutés, je découvre que notre jardin abrite aussi transitoirement les parulines à ailes bleues, très haut tout au sommet des arbres. Comme quoi, il s'agit juste de prêter attention à la nature proche...

Mais malgré notre proximité avec la réserve de Schodack Island, la diversité d'oiseaux est sans commune mesure. Ce 16 mai on est d'attaque à 7h du matin sur le terrain... Attentifs au moindre son et au moindre mouvement, c'est pour l'oeil averti un véritable ballet aviaire. On a réussi à identifier 49 espèces ce jour-là... Alors pourquoi une telle variété?  Schodack Island est une presqu'île sur le fleuve Hudson et sa forêt s'étend inintérrompue sur plusieurs kilomèretres. Le chemin est légérement surélevé par rapport au sol couvert de fougères. J'ai appris récement que certaines espèces comme le Piranga écarlate (Scarlet tanager) que je ne vois qu'assez rarement n'est pas présent dans n'importe quelle forêt: cette espèce vit typiquement dans le coeur des forêts et ne se trouve que très peu en lisière. Or avec la fragmentation des forêts par des routes et autres urbanisations, la taille des forêts se réduit et avec elle ces habitats cruciaux pour certaines espèces. Ainsi deux forêts isolées ayant la même superficie qu'une seule grande forêt auront bien moins d'espace de forêt "profonde". Et même une habitation ou un chemin d'accès isolé suffisent à créer cette fragmentation.

Pendant ces journées, le torticolis n'est jamais bien loin car si certains oiseaux comme les grives s'agitent plutôt dans le sol des sous-bois, les parulines colorées tant convoitées, elles virevoltent au sommet de la canopée. Si je ne devais retenir que deux espèces de cette journée ce serait probablement la Paruline à flancs marron et la Paruline bleue que je souhaitais vraiment apercevoir. J'ai même réussi à vous en ramener quelques photos. On termine notre boucle de 10 kilomètres après plus de 6h, épuisés... Non pas par l'effort physique mais par la concentration et l'adrénaline pour ne rien manquer de cette journée si particulière qui ne se reproduira pas de si tôt (en termes de nombre d'espèces observées).

Pendant la semaine, j'ai vu une de autres volontaires de la Pine Bush Preserve postait sur Instagram une photo de chouette rayée. Elle m'envoie gentiment les coordonnées GPS et le dimanche matin, à peine remis de nos cinquante espèces de la veille, on se met en route pour tenter d'apercevoir cette joli chouette. Figurez-vous qu'elle était exactement au point GPS indiqué par Liz. On ne s'attendait pas à ce qu'elle soit si près au bord du chemin au détour d'un virage. J'ai à peine eu le temps de prendre une ou deux photos assez sombres qu'elle s'envole sans un bruit... Un joli moment mais un petit pincement au coeur de l'avoir déranger malgré nous. On poursuit un peu notre balade le long de la piste cyclable avant de retourner sur nos pas avec vigilance au cas où la chouette soit revenue... Mais non, elle est partie pour de bon pour aujourd'hui et nous on évitera de revenir  et de partager sa localisation pour ne pas la déranger.

 18 mai: on continue les photos dans le jardin et à Five rivers mais le pic de la migration est déjà passé. Sa durée si courte est presque frustrante mais elle fait tout son charme. Alors pourquoi retourner à Five rivers? Vous vous rappelez des goglus des prés (bobolink) ? et bien, Ulysse veut absolument les voir et moi j'aimerai bien avoir une photo où ils ne ressemblent pas juste à une tache sur mon capteur. On y va donc plusieurs fois le soir et en se tenant à distance respectueuse des hirondelles bicolores qui manquent de scalper Ulysse alors qu'il passe sur le chemin à côté de leur nichoir. Avec de la patience, on voit enfin les fameux Goglus d'un peu plus près quand le mâle vient se percher au sommet d'une tige un peu plus haute que les autres herbes. D'un coup, un vent de panique dans la prairie... une buse à queue rousse s'est approché un peu trop près. Pendant que les goglus piaillent (pas sûre de l'efficacité de la stratégie), les carouges prennent l'intrus en chasse qui s'enfuit sans demander son reste.

Lors de nos sorties à Five rivers, on retrouve les familles d'oies qui nous barrent le chemin. Il faut choisir entre risquer l'attaque pinçante et passer dans les herbes hautes au risque de récupérer des tiques... Ulysse me laisser passer devant et on s'en sort (de justesse car l'oie courroucée manifeste son mécontentement en sifflant).

On achève ce mois de mai avec une dernière sortie  à Dyken Pond qui continue d'évoluer au fil des semaines. Là aussi, les hirondelles bicolores sont en train de nicher.

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