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Un faux-printemps confiné

 

Hello, 

Je m'efforce de rattraper mon retard car l'été avance à grand pas et bientôt ce sera la saison de la migration avec plein de photos qui vont venir s'accumuler à celles déjà prises et non publiées. 

Je reprends donc mon récit début mars. Comme tout le monde, on suit la progression du COVID-19 des deux côtés de l'Atlantique. Rentrée brièvement en France une semaine pour le travail et l'enterrement de ma mamie le 25 février, on passe rapidement du "c'est une grippe" à l'annulation de la plupart des sorties qu'on avait prévu dès le 8 mars en suivant la situation en France et les préconisations d'interdiction de rassemblement dans l'état de New York (adieu pièce de théâtre Harry Potter à Broadway!!). Le 11 mars, Trump instaure un Travel Ban interdisant aux non citoyens américains d'entrer sur le territoire. Le ban nous concerne aussi et implique que si nous sortons du territoire américain, il nous est impossible d'y rerentrer jusqu'à nouvel ordre. Ce travel ban est toujours en effet à l'heure où j'écris cet article (16 août). Autant vous dire qu'on a failli être séparé un bout de temps avec Ulysse... Le 17 mars est le jour 1 du confinement pour nous: l'université d'Ulysse vient d'acter la fermeture des laboratoires et a renvoyé l'ensemble des étudiants chez eux, je prends la même mesure pour mon collègue et moi-même. le 20 mars, le gouverneur de l'Etat de New-York Andrew Cuomo déclare le lockdown: "New York on Pause" (Policies that Assure Uniform Safety for Everyone). A l'exception des services essentiels (eau, chauffeur de bus, magasins, personnels soignants,...), toute la main d'oeuvre doit rester chez elle. On aménage rapidement notre chambre d'amis en espace de co-working space en commandant une chaise supplémentaire...et on s'adapte tant bien que mal à la nouvelle situation. Les premiers jours de télétravail sont loin d'être efficaces mais petit à petit on trouve nos marques...

 

Fin février, je m'étais lancée dans une grande étude de marché sur les lampes UV. Objectif: faire pousser mes futures plantes pour le jardin directement à partir de graines. Comme les températures restent fraiches, la lumière faiblarde et le risque de gel important jusqu'à la fin avril, il faut commencer à les faire pousser à l'intérieur. Le 6 mars, je reçois donc mon étagère avec lampe UV intégrée. Ni une ni deux, je me lance dans la lecture de multiples articles et du livre que m'a offert Ulysse à Noël pour planifier notre futur jardin: cette année hors de question de faire ça de manière empirique. Fichier Excel à l'appui pour la planification (j'ai quand même un espace limité et pas d'accès immédiat au jardin avant mai donc il s'agit de bien prévoir pour ne pas avoir de problème de place). Je plante donc mes premières graines (des plantes aromatiques et des choux kale principalement). Deux jours plus tard c'est la fierté absolue: les premières graines ont germé. Je ne me doute pas encore que les regarder grandir sera une des occupations les plus trépidantes des prochains mois. Fin mars, les premières plants notamment le kale ont déjà bien grandi et il est l'heure de les rempoter. Hors de question de les mettre dehors pour autant. Les mois de mars et d'avril sont toujours étranges ici: les jours se rallongent et les températures se réchauffent donnant l'impression que le printemps est là... Mais les tempêtes de neige et les chutes brutales de température nous rappellent qu'il va encore falloir attendre pour les beaux jours. Les petites plantes restent donc bien au chaud pour l'instant. A partir de mi-avril, on commence à sortir régulièrement les premiers plants sur le balcon quelques heures puis des journées entières afin de les endurcir petit à petit. Les chutes de neiges voire de grêlons à l'improviste nous obligent souvent à les rapatrier rapidement au chaud. Début mai, les premières plantes rempotées ont à nouveau besoin d'être rempotées dans des pots plus grands. L'exercice de rempotage et de va-et-vient des plantes entre l'extérieur et l'intérieur pour les endurcir prend des aspects de contorsionniste au vu de la taille du balcon et des tentatives de protection de la moquette de notre salon.  Fin mai, le balcon est officiellement rempli: kale, poireaux, concombres, courgettes, aubergines, tomates, poivrons, basilic, persil, ciboulette, coriandre, framboisiers, salades, épinard, radis, futures fleurs pour les insectes et les colibris...les pieds de tomates qui semblaient mal en point sont repartis de plus belle  tout comme la deuxième génération plantée dans l'espoir d'avoir quelques plants en forme... résultat: 104 plants en tout qui attendent gentiment l'accès au jardin communautaire de l'appartement... SPoiler alerte: nous n'aurons jamais accès à ce jardin (la suite au prochain épisode)...

En revenant de France en octobre 2019, je me suis mis en tête d'installer des nichoirs dans le jardin de notre résidence. Mais comme je veux aussi apprendre à me servir de mes 10 doigts, j'ai pris un abonnement au FabLab de Troy et je me suis attelée à la réalisation de deux nichoirs: un pour les mésanges, l'autre pour les troglodytes (en fonction des espèces, le design et l'emplacement doivent être adaptés notamment la taille du trou d'envol). J'avais même commencé à commander une planche de beau bois pour me lancer dans la réalisation d'une table et puis... (vous savez: pandémie!). J'installe donc les nichoirs le 11 mars... Le 23 mai on se rend compte que des brindilles ont été entassés dans le nichoir à troglodyte. Le 27 mai on aperçoit un troglodyte familier dedans (house wren) à la place du troglodyte de Caroline pour lequel le nichoir avait été conçu. Je fais mes recherches: je m'appuie sur le site NestWatch pour savoir comment suivre la nidification sans dérangement: une visite de moins d'1 minute tous les 4 jours maximum plutôt dans l'après-midi sauf en cas d'orage ou de fortes pluies en s'annonçant bruyamment (pour que l'adulte sorte du nid et ne soit pas surpris). Le mâle troglodyte commence à bâtir plusieurs nids (jusqu'à 12) pour attirer les femelles. Une fois que la femelle a choisi son mâle et le nid qui va avec, elle rajoute des brindilles puis creuse une dépression dans le nid et rajoute des matériaux plus douillets (plumes, herbes,...). Et effectivement, c'est ce qu'on constate le 31 mai... Après cette étape de construction du nid (environ 1 semaine), la femelle est censée pondre entre 3 et 10 oeufs à raison d'un oeuf tous les jours. Effectivement le 4 juin, il nous semble apercevoir un oeuf (mon design de nichoir n'a pas été conçu pour suivre la nidification très facilement)... Mais le 10 juin, plus d'adulte dans le nid, l'oeuf semble cassé et des fourmis ont envahi le nid... Ce matin (9 août), j'ai vérifié l'état du nid... pas de trace de coquille d'oeuf. : A-t'on imaginé les oeufs? les fourmis peuvent elle consommer la coquille d'œuf??? Le mystère reste entier à ce jour. 

 

Autre activité commencée avant le confinement qui s'est avéré très utile: le pain et la pâte à pizza au levain. Notre levain Sylvain a mis trois semaines à grandir et être fonctionnel. Commencé fin janvier et coachée par notre ami boulangère, mes pains ont bien évolué depuis. Mi-avril, j'ai commencé à utiliser un Dutch Oven, marmite en fonte dans lequel le pain cuit dans le four, qui a changé la donne! Le pain gonfle bien plus et sa surface est toute croustillante grâce à la condensation de l'humidité sur le pain...bien plus efficace que mes tentatives de pulvériser de l'eau sur mon pain toutes les 5 minutes pendant la cuisson. Entre ça et les paniers de la ferme, on passe le premier mois de confinement sans sortir de chez nous du tout. Après si longtemps, la première expédition au supermarché est très bizarre et stressante à essayer d'éviter les gens et en nettoyant toutes nos courses aux lingettes vu qu'on ne sait pas à quelle point la contamination par les surfaces est avérée.

  

Après des années à demander à Ulysse de lui couper les cheveux (j'ai jamais eu de tête à coiffer étant petite), il m'annonce mi-avril qu'il faut que je lui coupe les cheveux. N'ayant jamais pensé qu'il accepterait, je panique et commence à regarder les tutos YouTube de coiffure... Je finis par me lancer: trois heures et une paire de ciseau cassée plus tard (Ulysse a beaucoup beaucoup beaucoup de cheveux), je regarde avec satisfaction mon oeuvre: 0 trous! Pour une coupe improvisée avec une moitié faite aux ciseaux et l'autre à la tondeuse, je suis assez fière! Ulysse, lui, est en PLS car il a très faim et n'avait pas prévu qu'une coupe de cheveux pouvait durer aussi longtemps... 

 

Quand on ne passe pas nos soirées à jouer à la coiffeuse, on joue aux jeux de société. Enfin pour être plus précise à un jeu de société: WIngSpan. A l'heure où je vous écrit, nous en sommes à plus de 80 parties à raison de 30 à 45 minutes par partie. On a du commander l'extension du jeu et faire des semaines sans Wingspan pour que notre mariage résiste au confinement!!!

Autre composante très positive de notre confinement: l'accès à un jardin. On a rarement été aussi heureux de ne pas vivre à NYC ou à Paris. Du coup, on essaie d'en faire bon usage: photo à la mangeoire et grenouilles dans les flaques printanières (vernal ponds). Les mares vernales sont des étangs (voire des flaques) peu profonds qui apparaissent au printemps avec la fonte des neiges et disparaissent  au milieu ou à la fin de l'été. Comme les mares sont temporaires, les poissons ne peuvent pas y vivre et constituent un habitat de choix pour les grenouille car il n'y a pas de poissons pour manger leurs œufs et leurs têtards ! Les crevettes, libellules, demoiselles, phryganes, moustiques, daphnies et autres invertébrés pondent chaque année des œufs dans des étangs vernaux. Les oeufs restent en dormance pendant l'hiver et éclosent au printemps suivant constituant un met de choix pour les têtards. A la fin de l'été, salamandres et grenouilles quittent souvent leur point d'eau pour rejoindre la forêt. Dans le cas de la grenouille verte qui peuple notre jardin, elle peut hiberner soit sur terre (légèrement enterrée) soit sous l'eau (probablement plutôt sur terre dans notre jardin car les flaques seront asséchées d'ailleurs). Grâce à des changements physiologiques, les grenouilles sont capables de geler et dégeler sans problème! Quand elles choisissent d'hiberner dans l'eau, elles restent proches de la surface (besoin d'oxygène) dans la partie encore liquide de l'étang. 

Une de mes photos du jardin (celle du pic mineur - Downy woodpecker) a même été sélectionnée par le youtubeur Max Bird pour son concours Photo Safari Jardin (https://www.youtube.com/watch?v=yGOBpN4H7f4&t=1111s)

Pendant ce confinement, on a également la chance de ne pas avoir de règle de distance maximale ou de restrictions sur le nombre de sorties. Le critère n°1 est d'être en mesure de respecter une distanciation sociale de 2 mètres (6 ft). On fait donc des sorties courtes le week-end ou bien le soir en semaine après le travail. Début 2020, j'ai commencé à faire du bénévolat pour une réserve locale: Albany Pine Bush Preserve... Après 2 sessions de formation et un contrôle de mon casier judiciaire (qui a pris très longtemps à cause de mon statut d'immigré et une histoire de photocopie de passeport), me voilà prête à commencer. En tant que Volunteer Naturalist, mon rôle est de parcourir les chemins de la réserve environ 4h par mois, de discuter avec les gens et répondre à leurs éventuelles questions et rapporter mes observations à la réserve (quelle utilisation est faite par les gens de la réserve, besoin d'entretien d'un chemin et observations naturalistes). Oui mais voilà... pandémie. Bon qu'à cela ne tienne, je participe au programme de suivi de populations de grenouilles/crapauds, des bécassines et des engoulevents. Le suivi de ces amphibiens et oiseaux se fait à l'oreille et de nuit. Un double défi pour la myope dépourvue de toute oreille que je suis. Je suis donc très stressée au moment du test pour apprendre à reconnaitre les grenouilles au son. Heureusement, il n'y a que 9 espèces avec des sons très différents les uns des autres: la rainette crucifère (spring peeper), la grenouille taureau (bullfrog), la grenouille verte (green frog), la grenouille des bois (wood frog), la rainette versicolore (gray treefrog), la grenouille léopard (Northern leopard frog), la grenouille des marais (pickerel frog), le crapaud américain  (American toad) et le Eastern spadefoot toad. Me voilà donc certifiée Frogwatcher. Pour l'instant, j'ai vu 7 espèces sur les 9. J'espère bien voir la rainette versicolore mais j'ai peu d'espoir pour l'Eastern Spadefoot toad en raison de leur rareté,  de leur comportement nocturne et de leur habitat de reproduction éphémère. Je suis chargée de faire des recensements sur un chemin précis de la réserve et selon un protocole précis qui commence 30 minutes après le coucher du soleil. En parallèle, je fais aussi partie de l'étude pour le suivi de la bécasse d'Amérique (American woodcock). Là encore, les comptage se font à la tombée de la nuit entre mi-avril et mi-mai. Environ 15 à 25 minutes après le coucher du soleil (les bécassines sont précises comme des pendules), les mâles commencent leur parade amoureuse. Le mâle émet des appels sonores (peent) depuis sa zone de parade au sol, puis vole vers le haut dans une large spirale. En s'élevant, ses ailes se mettent à gazouiller. À 100m de hauteur, le gazouillis devient intermittent, et l'oiseau commence à descendre. Il descend en zigzaguant, en pépiement, puis atterrit en silence souvent exactement à l'emplacement d'où il a décollé avant de recommencer ses appels sonores. Pendant 2 minutes, on essaie donc de compter le nombre d'individus avant de s'éloigner et de faire un autre comptage à l'endroit suivant. Pas de photos de bécassines malheureusement car il fait beaucoup trop sombre pour l'appareil photo mais on va vous donner une petite idée d'où elles habitent. On a commencé par faire les chemins de jour pour repérer les emplacements des comptages. et on a bien fait! la première fois, on n'était même pas sur le bon chemin (Kings Road Barrens) et je cherchais désespérément ma mare à grenouille le long d'une voie ferrée hors du sentier au grand dam d'Ulysse! mais bon ça nous a permis de voir un grand pic (Pileated woodpecker), espèce décidément peu coopérative côté photographie... ils sont vraiment très farouches.  Mes points de comptage s'avèrent être un succès pour les bécassines (entre 7 et 8 à chacun de mes comptages) mais les grenouilles restent silencieuses...Pourtant, elles sont bien là... au détour d'un comptage pour une autre espèce en juin, nous en avons plein sur le chemin (rdv dans le prochain article pour les photos)...mais elles ne veulent pas chanter...

Tant qu'on est dans la découverte des sentiers de la réserve, on découvre le sentier des dunes (et oui la réserve est basée sur un ancien lac glacière couvert de sable: pratique pour les traces d'animaux, beaucoup moins pour garder l'appareil photo propre). 

Dans la série, promenade locale, l'hiver (on est quand même fin mars mais bon vu la météo on peut légitimement parler d'hiver..) est également la bonne saison pour observer les canards. Sur l'étang au coin de notre rue, on voit régulièrement des Grand Harles (Common Merganser). Malheureusement, les canards sont bien moins conciliants pour prendre la pause que les grenouilles et nécessiteraient un affût pour se rapprocher de mon objectif. Manque de temps oblige (je sais, c'est le comble pendant un confinement!), je vous mets ici quelques photos qui laissent à désirer car les canards étaient assez loin de moi. On fait également quelques expéditions en fin de journée après le travail sur un autre étang local et dans une réserve naturelle à proximité Visher Ferry. Même constat, tous les canards restent très loin de nous et si je veux de jolis photos, l'an prochain ce sera affût. Mais au moins on aura pris l'air avant de retourner se confiner dans notre appartement.  

On continue nos sorties très locales avec la réserve de Grafton Forest par un samedi frileux. On y trouve plein de grimpereaux bruns parfaitement camouflés qui montent en spirale le long des troncs confinés. Ils glanent, sondent et picorent le tronc avec leurs longs becs recourbés vers le bas. En commençant près de la base du tronc, ils remontent l'arbre jusqu'à quelques mètres de la cime, puis volent jusqu'au pied d'un autre arbre (ou parfois du même) pour recommencer. Leur petite taille les rend assez compliqué à photographier mais je vous mets ici quelques photos naturalistes. Sinon, on entend beaucoup les grenouilles à l'approche d'une mare mais elles se cachent bien. Pendant que je les attends, Ulysse se prend de passion pour la photographie de mousse (chacun son truc, pas de jugement, je viens de faire un article complet sur les plantes, les oiseaux et le pain...)! 

Autre journée de confinement en mars, autre réserve locale... Dyken Pond cette fois! Les premières grenouilles y sont également de sortie et font un tel boucan qu'Ulysse me demande si c'est la route que l'on entend. Non ce sont les grenouilles des bois (wood frogs) qui ont littéralement colonisé l'étang qui caquète tout entier comme un troupeau de canards... Ce sont les premières grenouille savec la rainette crucifère (spring peeper) à sortir de leur hibernation et à faire entendre leur chant au printemps. La densité de grenouilles au mètre carré est impressionnante et par endroit les grenouilles sont entassées les unes sur les autres ne laissant dépasser que quelques pattes par ci par là... Bon, on va les laisser s'accoupler tranquillement et poursuivre notre balade. 

Pendant le confinement, on limite au maximum nos interactions sociales qui se limites à des échanges sur le pas de la porte avec notre ami Eliza qui nous apporte du pain et autres délices toutes les semaines... Pour changer, on se rend chez elle de temps en temps et on fait quelques sorties ornitho en plein air. Au bout de sa rue, un joli cimetière à l'américaine couvert d'herbe et d'arbres et un chemin uniquement connu des habitants du quartier qui mène à une crique (Poesten Kill creek). En scrutant les arbres de l'autre côté de la crique, on y découvre un hibou grand duc (great horned owl) harcelé par des corbeaux surexcités. La photo est prise de très loin mais on le devine quand même... Toujours avec ce même groupe d'amis, on participe fin avril à l'érection d'un mur d'escalade (construit par notre ami Sebastian) dans le jardin d'Eliza et Sebastian pour permettre à nos grimpeurs de continuer à s'entrainer malgré la fermeture de la salle et sans aller sur les voies en extérieure qui sont bondées... 

Je vous donne rdv très vite pour vous partager le suivi de la migration printanière des oiseaux au mois de mai. Allergiques aux photos d'oiseaux, s'abstenir! Bises à tous et bon été. 

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