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Suite et fin du roadtrip (Charleston, Asheville, Shenandoah, Washington)

Ça y est! Ceci est le premier article qui traite de nos aventures en 2020. Après un réveillon rodéo dans le bar El Jefe, on s'accorde une grosse matinée et on attaque le premier janvier avec une visite de Charleston (Caroline du Nord) à pied et beaucoup de pauses resto/café (c'est pour compenser la première partie des vacances où on prenait à peine le temps de manger entre deux oiseaux). 

On commence notre tournée gastronomique de Charleston par le Tricera coffee qui comme son nom l'indique a été fondé par des amoureux des dinosaures et plus précisément des Tricératops. Après un bon petit déjeuner, on poursuit notre visite par la rue principale King Street qui concentre la majorité des magasins, bars et restaurants de la ville et alterne entre boutiques de luxes et échoppes populaires. La frénésie du réveillon de la veille a laissé place à des rues désertes où seules les galeries et les magasins de luxes sont ouverts. 

Le sud de Charleston est un concentré de villas somptueuses avec des porches immenses, des jardins luxuriants et des fontaines. Historiquement, ce quartier était celui des riches propriétaires de plantations alentours. Aujourd'hui, des groupes comme BMW, Volvo ou Boeing s'en servent pour attirer leurs cadres supérieurs à Charleston. On emprunte une série d'allées secrètes et étroites, véritables chemins de traverses entre ces petits manoirs: Zig Zag alley, Philadelphia Alley, Longitude Lane... Dans Stolls Alley, la ruelle est tellement étroite que l'on peut toucher du bout des doigts les bâtiments de part et d'autre de la rue.

On arrive enfin à la pointe Sud de Charleston appelée The Battery,  lieu d'artillerie pendant la guerre civile américaine. On y croise un énorme pick-up arborant sur son capot le drapeau confédéré. Pour rappel, les Etats confédérés (Caroline du Sud, Caroline du Nord, Mississippi, Florida, Alabama, Georgie, Louisiane, Texas, Virginies, Arkansas et Tennessee) ont fait sécession avec les Etats-Unis pendant la guerre civile (guerre de Sécession). Cette guerre a opposé d'un côté les Etats industrialisés du Nord et les Etats agricoles du Sud qui reposaient sur l'esclavage. Le drapeau confédéré est très controversé aux Etats-Unis car il est perçu par certains comme un symbole de l'esclavage et du racisme alors que d'autres le considèrent comme un symbole historique de la résistance à l'oppression nordiste. On croise également de jolis canards aux reflets chatoyants (Petit Garrot- Bufflehead). 

On s'arrête pour un déjeuner léger et un smoothie dans une boulangerie locale (BakeHouse). Mon smoothie est tellement chargé en glaçons que j'ai le plus grand mal à le finir. On remonte tranquillement vers le Nord pour aller au Waterfront Park où je m'empresse de tester les bancs balançoires avant de regarder la fontaine en forme d'Ananas géant. C'est déjà l'heure du goûter avec un chocolat chaud dans un café avec de superbes photographies de bisons et d'ours dans la neige (City Lights Coffee). On fait un tour au Charleston Market, marché couvert artisanal où des  afro-américains pratiquent l'art de la vannerie à partir de sweet grass (herbacée) selon la tradition Gullah. Alors qu'on remonte tranquillement Concord Street en direction de notre Airbnb, je continue ma session "ornithologie urbaine" avec un très joli épervier de Cooper (Cooper's hawk). 

On finit la journée par une virée à Folly Beach, une langue de sable au sud de Charleston. Après une brève incursion sur la jetée où on distingue quelques limicoles, on décide de continuer notre tournée gastronomique avec une excursion cocktail au Wiki Wiki Sandbar dans une ambiance tropicale puis repas mexicain au Taco Boy Folly Beach. 

Le lendemain matin, après un petit déjeuner au Saffron Restaurant & Bakery, on poursuit notre voyage culturel par la visite d'une ancienne plantation, la plantation McLeod au sud-ouest de Charleston. 

 

Dans les années 1700 avant la guerre civile, Charleston est la ville la plus riche et puissante du sud grâce à ses plantations et son rôle majeur dans le commerce d'esclaves. 45% des esclaves des USA transitaient par Charleston. Ils venaient de Gambie, du Sénégal, d'Angola, du Kenya, d'Afrique de l'Ouest...et étaient envoyés en Caroline du Nord, Caroline du Sud, Géorgie et au Nord de la Floride. 

 

Gullah Geechee désigne la culture des descendants d'esclaves venus d'Afrique centrale et d'Afrique de l'Ouest. Ces personnes ont été réduites en esclavage dans des plantations sur les presqu'îles isolées de la côte Sud-Est des Etats-Unis comme celle de James Island où se trouve la plantation McLeod. Les intéractions entre les différentes groupes d'origine différente a conduit à l'élaboration d'une langue créole à part entière : le Gullah Geechee, mélange de Français, d'anglais et de dialecte africain. Pour la première fois en 2019, cette langue est enseignée à Harvard et notre guide lui-même Gullah Geechee espère voir cette langue enseignée à Charleston d'ici quelques années. 

 

La plantation de McLeod a abrité simultanément jusqu'à 90 esclaves. Le propriétaire William Wallace McLeod s'est rapidement détourné de la culture du riz pour celle bien plus lucrative du cotonnier créole (Sea Island Cotton). Ce coton ne pouvait être cultivé que sur les îles le long des côtes de Caroline du Sud et de Géorgie, îles fertilisées par les algues et les seagrass. Il se vendait bien plus cher que tous les autres cotons en raison de sa longue fibre (35 à 60 mm) et de sa texture soyeuse et était particulièrement prisé en Europe. De nos jours, cette variété de cotton reste rare et on l'a retrouve principalement en Amérique du Sud et dans les Caraïbes. L'île de James Island où se trouve la plantation McLeod abritait à l'époque une vingtaine de plantations dans lesquelles le cotton était planté en Octobre puis récolté d'Avril à Octobre avant d'enchainer sur une rotation de culture (mais, patate douce, pois,...).

 

Les esclaves qui étaient particulièrement mobilisés pour la construction de bâtiments étaient logés dans des cabines. L'alignement des cabines (22 dans le cas de la plantation McLeod) permettait d'exposer la richesse des propriétaires à la vue de leurs visiteurs. Alors qu'on découvre les 5 cabines restantes, notre guide nous partage une partie de l'histoire de ces habitants. Par exemple, Isabella Pinckney, fille d'une esclave et d'un propriétaire de plantation a été donnée à William McLeod pour tenir compagnie à sa fille Annie. Les relations forcées entre propriétaires de plantations et esclaves étaient monnaies courante mais les enfants bi-raciaux étaient également considérés comme des esclaves. 

 

La Caroline du Nord est le premier état à faire sécession de l'Union en 1861 et à faire partie de la Confédération des états du Sud en réaction à l'élection d'Abraham Lincoln et la crainte de l'abolition de l'esclavage. La plantation McLeod est occupée par les forces confédérées pendant la majeure partie de la guerre civile, et la maison sert d'hôpital. En 1863, le président Abraham Lincoln publie la Proclamation d'émancipation statuant "que toutes les personnes détenues comme esclaves" au sein des États rebelles "sont et seront désormais libres". Malgré cette proclamation, il faudra attendre janvier 1865 pour que l'abolition de l'esclavage rentre dans la constitution américaine. A l'époque, 75% de la population de Charleston est constitué d'esclaves. La plantation McLeod est occupée par les 54e et 55e régiments de volontaires du Massachusetts et d'autres régiments de l'Union lorsqu'ils évacuent Charleston en Février 1865. La guerre de Sécession se termine en Avril 1865 et marque le début de la période dite de Reconstruction.

 

La plantation Mcleod change à nouveau d'occupant et sert de quartier général au Freedmen's Bureau (Bureau des hommes libres) pour le district de l'île James. Le Freedmen's Bureau est une agence fédérale dont la mission était d'aider à résoudre les problèmes quotidiens des esclaves nouvellement libérés, tels que l'obtention de vêtements, de nourriture, d'eau, de soins de santé, la communication avec les membres de la famille et l'emploi. Ce bureau permet à certains esclaves d'accéder à la propriété en confisquant les terres des propriétaires de plantations. Environ 44 personnes ont reçu jusqu'à 40 acres de terre à la plantation McLeod. Mais peu de temps après, la loi a été abrogée par le successeur de Lincoln (le président Johnson) et les terres ont été rendues à leur propriétaire initial, emportant avec elles tout espoir d'autonomie économique. Le fils de William McLeod a ainsi pu récupérer la propriété en 1870 et la famille McLeod y a vécu jusque dans les années 1990. Certains Afro-américains restent sur place et continuent à travailler sous contrat pour la famille McLeod malgré la persécution et la ségrégation instaurées par les Black codes et Jim Crow laws, séries de lois votés par les anciens états confédérés. Ces lois limitent les emplois que les personnes noires peuvent occuper, leur capacité à quitter un emploi une fois embauchés, le type de biens qu'ils peuvent posséder... Cette législation s'efforce également de limiter le droit de vote des citoyens noirs pourtant inscrit dans la constitution américaine et d'empêcher les contacts entre les citoyens noirs et blancs dans les lieux publics. En l'absence de perspectives, 6 millions d'afro-américains ont  migré vers les Etats du Nord entre 1865 et 1960 avec:

  • un premier flux des états du Sud-Est (Géorgie, Caroline du Sud et du Nord, Floride) vers Boston (Massachusetts) et Washington DC
  • un deuxième flux de la Louisiane vers le Michigan
  • Un troisième flux du Texas vers la Californie et l'Oregon. 

 

On finit notre visite de la région de Charleston par un crochet sur John's Island pour y admirer Angel oak, un chêne vieux de 400 ans, plus vieux que les maisons aux Etats-Unis. L'arbre n'est pas très haut mais son tronc de 8 mètres de diamètre est imposant et ses branches immenses tombent dans le sol avant de s'élancer à nouveau vers le ciel. Ses branches, couvertes de  fougères, sont creuses mais il est bien vivant et peut atteindre 900 ans...Son grand âge ne semble pas inspirer beaucoup de respect  à une famille qui décide que leur selfie Instagram nécessite de s'adosser lourdement sur les branches du vieil arbre malgré les pancartes qui s'efforcent de préserver ce joyau de la nature de la bêtise humaine. 

 

Après moults grommellements et irruptions (in)volontaires sur les photos de ladite famille, on reprend la route pour continuer notre remontée tranquille vers le Nord. 4h20 et un paquet de Pringles plus tard, on aperçoit les Smoky Mountains dans la brûme et Asheville, petite ville de montagne en Caroline du Nord. 

Notre visite des alentours d'Asheville et des alentours a été fortement contrainte par les conditions météorologiques. Impossible d'emprunter la Blue Ridge Parkway, route panoramique qui dessert les différents chemins de randonnées des Smoky Mountains car celle-ci est fermée temporairement en raison de la météo. Impossible également de visiter le Château de Biltmore qui aurait nécessité une réservation plusieurs semaines en avance... La météo maussade et pluvieuse nous encourage à paresser au lit avant de prendre un petit déjeuner dans la boulangerie locale recommandée par nos hôtes. On tente toutefois une sortie dans une petite réserve locale au Beaver Lake Bird Sanctuary. A la fin de l'averse, tous les petits passereaux sont de sortie et j'en tire mes premières photos décentes de troglodyte de Caroline, visiteur régulier de notre balcon en hiver. Encouragés par cette accalmie, on s'engage dans le tour du lac et nous finissons bien sûr complétement trempés, surpris à mi-chemin par un autre épisode pluvieux, sans stratégie de repli disponible... Mais les paysages brumeux post-averse nous offrent quelques beaux clichés... On revient au Airbnb pour un séchage complet avant de s'aventurer dans Asheville. Le centre ville est remplie de boutiques, de galleries d'art et de librairies, de bars et de restaurants dans lesquels on flâne tranquillement pour le reste de la journée. 

Pour notre dernier week-end de vacances, on se met en route vers Washington DC où nos amis Mike et Lara ont déménagé. On part à l'aube d'Asheville et on remonte tranquillement vers le Nord en faisant une très brève incursion dans le Tennessee (je ne pense pas en avoir beaucoup profité car j'étais probablement en train de roupiller, histoire d'honorer mon titre de pire co-pilote de tous les temps). On traverse ensuite la Virginie et on fait un détour par le parc National de Shenandoah. Etant attendus en fin d'après-midi à DC, nous n'avons malheureusement pas le temps de nous aventurer dans les multiples sentiers et nous nous contentons d'emprunter la route panoramique Skyline Drive. Skyline Drive serpente pendant plus de 168 km (105 miles) à travers les montagnes et compte plus de 70 points de vue. On suit les recommandations en termes de limitations de vitesse (50km/h) pour éviter toute collision avec la faune sauvage. Je cherche désespérement de l'oeil un ours engourdi qui aurait pu sortir brièvement de son hibernation ou les merles bleus azurés (Mountain Bluebirds) que Mike affirme avoir vu dans le coin. Point de succès pour cette fois et peu de réussite photographique avec une lumière très bizarre. On finit Skyline Drive dans une purée de pois indicible après près de trois heures de route. Après un petit café (même pour moi mais avec beaucoup de sucre), on reprend la route pour rejoindre DC en 1h30. On y retrouve avec plaisir Mike, Lara, Todd et Megan pour un resto éthiopien et une discussion tardive dans la nuit pour rattraper le temps passé loin d'eux. Après un brunch et une formation accélérée pour Lara sur la réalisation des crêpes, on se remet en route à contrecoeur en début d'après-midi pour rejoindre Troy. Les 6h de route qui nous séparent de Troy passent sans encombre mais la fatigue du voyage commence à se faire ressentir. Finalement après 6441km, 10 états, 95 espèces d'oiseaux, plus de 3000 photos, on pose nos bagages dans notre chez nous, la tête pleine de souvenirs. 

J'espère que vous aurez apprécié cette série sur notre road trip... Elle m'a demandé beaucoup de temps pour l'écriture mais je voulais prendre le temps d'immortaliser ce voyage et tout ce qu'on en a appris... mon petit carnet de notes et les petits reportages quotidiens sur WhatsApp et Instagram m'ont bien aidé à me remémorer cette aventure pour l'écriture des articles.

 

Maintenant, il est l'heure de me replonger dans le tri des photos de cet hiver et printemps 2020 un peu particulier pour préparer les prochains articles. On est resté bien au calme avec la pandémie Covid 19 mais les paysages enneigés et la faune locale nous ont offert de beaux spectacles que j'ai hâte de partager avec vous. Prenez soin de vous. 

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Commentaires: 1
  • #1

    Encore Soso (dimanche, 16 août 2020 15:15)

    « 6441km, 10 états, 95 espèces d'oiseaux, plus de 3000 photos » ��
    Joli score! Après un rythme pareil, faut quand même assurer le retour au boulot ^^