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Roadtrip Floride Partie 4

Hello. On continue sur la série "Roadtrip Floride". Pour rappel, on a fait dodo la veille à Naples, à l'Ouest. En ce 27 décembre, une journée chargée nous attend. Alors pour bien commencer, on passe par Empire Bagel Factory, le coup de coeur local d'Ulysse. Alors qu'on navigue dans les rues de Marco Island, on croise des boites aux lettres aux formes étranges, du dauphin au lamantin. On attaque par une petite virée sur Tigertail Beach toujours à la recherche de nos dauphinsAu milieu des jeunes pousses de mangroves, on trouve trois petits limicoles bien camouflés dans le sable (Pluvier de Wilson, Wilson's Plover). On croise également une espèce que l'on n'espérait pas voir: des frégates (Magnificent Frigatebird). Les frégates sont des oiseaux pélagiques c'est à dire des oiseaux qui se nourrissent principalement en haute mer. Malheureusement pas de bonne photo, car les frégates passent la plus grande partie de leur vie à planer au-dessus de l'océan et se posent rarement sur l'eau car leurs plumes ne sont pas imperméables. On croise aussi sur cette plage nos seuls pélicans d'Amérique (American White pelican) du voyage. Ils ont le bon goût d'être posés à côté des pélicans bruns ce qui permet de se rendre compte de leur taille (2.5 à 3m d'envergure!!). On finit par rebrousser chemin sans avoir vu de dauphins mais les yeux (et l'objectif) tournés vers le ciel pour admirer une dernière fois le ballet aérien des frégates.

La suite de la journée consiste à s'enfoncer dans Big Cypress le parc national (= de l'état de Floride) adjacent aux Everglades.

Ecologiquement, la différence fondamentale entre Big Cypress et les Everglades est que Big Cypress est principalement un marécage de cyprès alimentée par l'eau de pluie et légèrement plus élevé en altitude que les Everglades (les Everglades étant une prairie submergée par une nappe d'eau très peu profonde et se déplaçant lentement, créée par le débordement annuel du lac Okeechobee).  Les Cypress Swamps, marais de cyprès qui ont les pieds dans l'eau uniquement pendant la saison humide alternent avec les cypress strands dans les zones de moindres altitudes où la base des cyprès est submergée toute l'année. D'ailleurs, nos principaux points de vue sur Loop Rad correspondent à des ouvertures de la végétation permettant d'admirer ces piscines naturelles. Les cypress strands, également plus riches en nutriments, permettent la croissance de cyprès de taille plus importante. Les cyprès que l'on peut voir aujourd'hui sont principalement des cyprès de deuxième génération puisque l'industrie forestière a diminué dans les années 1950, après avoir exploité tout le bois commercialisable dans le sud de la Floride Par opposition, les cyprès nains au milieu des prairies de sawgrass, véritable mer de graminées, sont pour la plupart centenaires car ils ne présentaient aucun intérêt pour les bûcherons. Leur aspect rabougris est dû au manque de nutriments mais il s'agit bien de la même espèce que les grands cyprès. Les "genoux" des cyprès constituent une formidable adaptation pour résister aux vents des ouragans. Les "genoux" des cyprès partent des racines et montent vers le ciel, telles des stalagmites, en s’entremêlant aux racines des arbres voisins, formant ainsi un tapis unique bien plus résistant au déracinement qu'un arbre seul.   Un autre habitat de Big Cypress est la pinède (pin d'Elliot ou slash pine en anglais) dans les zones plus élevées en altitude qui abrite un pic en danger : le pic à face blanche (red-cockaded woodpecker) qui est le seul à nicher dans des pins vivants dont il utilise la sève pour protèger l'entrée du nid des prédators et parasites.  Malgré les yeux de lynx d'Ulysse, on n'a pas vu ce fameux pic. Mais en rédigeant cet article, j'ai appris que la réserve naturelle où on a essayé de croiser des panthères à la fin de cette journée a enregistré la première nichée de ce pic cette année!

 

On suit Loop Road, une piste en terre poussiéreuse de 38 km au sud du Tamiami Trail (la route qu'on a emprunté les autres jours et qui relie la côte Ouest (Naples) à la côte Est (Miami). Cette piste a été créé à la suite d'un litige sur l'itinéraire du Tamiami Trail. Pendant qu'Ulysse pilote habilement notre voiture entre les bosses et les creux de la piste à 30km/h, je suis en charge de la visite guidée audio en m'appuyant sur un document "Big Cypress: A look inside" écrit par  le National Park Service.

 

Le long de Loop Road, on trouve plusieurs départ de pistes destinées aux amateurs de véhicules tout-terrain et buggies (personnellement ma dernière aventure en buggie à Dubai qui s'est terminée la tête à l'envers m'a durablement convaincue que je n'étais pas destinée à une carrière de pilote).  D'ailleurs, l'utilisation de ces engins et des pistes dédiées nécessite un permis de circulation spécial ici et les buggies sont souvent construits par leurs propriétaires et spécialement conçus pour la conduite dans les marais.


Au milieu des années 1900, Big Cypress et les Everglades étaient considérée comme une friche marécageuse. De multiples efforts ont été faits pour rendre le marais plus hospitalier: construction de routes dont Loop Road, de canaux pour assécher le marécage, et de digues pour contrôler les inondations. Malgré tout, l'agriculture restait compliquée en raison de la nature du sol et du climat extrême (sécheresse et inondations). Aujourd'hui, la plupart des canaux ont été bloqués pour ralentir ou arrêter leur débit. Loop road est également connue pour sa vieille station essence désaffectée dans la ville fantôme de Pinecrest qui abritait autrefois 400 habitants. Je me suis d'ailleurs rendue coupable de publicité mensongère par inadvertance en vantant auprès d'Ulysse les nombreuses stations désaffectées sur cette route pour son projet photo alors que nous n'en avons finalement croisé qu'une! Oups!


Big Cypress est également traversé par le Florida National Scenic Trail, un chemin de randonnée de plus de 2200 km qui traverse la Floride du Nord au Sud. La partie dans Big Cypress est particulièrement marécageuse et nécessite de marcher avec de l'eau jusqu'au genoux ou plus haut (le tout au milieu des alligators). Pour notre part, on se contente de s'aventurer sur un court chemin luxuriant Tree Snail Hammock Trail pour nous dégourdir les jambes. De retour à la voiture, pendant qu'on déguste un bagel de midi (dont la crème Philadelphia a eu beaucoup trop chaud à mon goût), on croise un motard sur les traces de son enfance puisqu'il a vécu dans une des nombreuses propriétés privées de la réserve. En effet, autre différence par rapport au parc des Everglades, le statut de Réserve autorise les personnes ayant acheté leur terrain avant la création de la réserve Big Cypress en 1974, à conserver les droits sur leurs terres ainsi que de nombreuses utilisations traditionnelles du marais comme la chasse et même  l'exploration et l'extraction de pétrole et de gaz.

 

 

Les dernières maison le long de la route sont celles des membres de la tribu  indienne de Floride Miccosukee. Le sud de la Floride est habité depuis plus de 2000 ans. Les premiers explorateurs de Big Cypress étaient des Amérindiens, les Calusas qui vivaient le long de la côte du Sud de la Floride, mais venaient chasser à l'intérieur des terres. Ils ont malheureusement été anéantis au 19ème siècle par les maladies apportées par les Européens. Les peuples autochtones actuellement dans la région sont les Miccosukee et les tribus séminoles, initialement installées plus au nord mais contraints de se déplacer vers le sud en raison de l'expansion et la persécution européenne.

Après qu'Ulysse m'ait fait la remarque que je suis incapable de rester inoccupée en voiture plus d'une minute, je tente d'observer studieusement le paysage...et me lance rapidement le défi de compter les alligators le long du Tamiami Trail alors qu'on revient vers l'Ouest après avoir fini Loop Road. J'en compte pas moins de 55 en 10 minutes avant de m'arrêter pour cause de mal au coeur puisqu'on roule quand même à plus de 100km/h. 

Heureusement, on s'arrête bientôt à nouveau dans un petit parc: Kirby Storter Roadside Park. Comme on n'avait décidé de ne pas visiter les parcs d'attractions que constituent les fermes aux alligators, on n'imaginait pas croiser des bébés alligators. Mais au détour d'un virage du caillibotis, on en apercoit toute une tripotée sur une branche émergeant à peine de l'eau. 19 en tout! Pas de maman alligator en vue. Pourtant, les alligators femelles sont des mamans dévouées. Elles construisent des nids faits de végétation, de bâtons, de feuilles et de boue près d'un plan d'eau. Lorsque la végétation se décompose, cela dégage de la chaleur et garde les œufs au chaud. D'ailleurs, la température à laquelle les œufs se développent détermine leur sexe. Les œufs exposés à des températures supérieures à 34 °C deviennent des mâles, tandis que ceux exposés à 30 °C deviennent des femelles. Les températures intermédiaires produisent les deux sexes. La femelle alligator reste près du nid pendant les 65 jours d'incubation, le protégeant ainsi des intrus. Lorsque les œufs sont prêts à éclore, les jeunes alligators émettent des bruits aigus de l'intérieur de leurs œufs. Leur mère commence alors à les sortir du nid et à porter ses bébés dans l'eau avec ses mâchoires. Elle peut protéger ses petits pendant un an au maximum.

 

Tant qu'on est dans les reptiles, on remarque un serpent mort juste à côté des bébés alligators (l'oeuvre de la maman alligator?). Il s'agit d'un python birman (Burmese Python), espèce originaire d'Asie et invasive préoccupante en Floride. Quelques pythons birmans ont été relâchés par des propriétaires irresponsables cherchant à se débarrasser de cet encombrant animal de compagnie. L'ouragan Andrew en 1992 a endommagé des animaleries libérant ainsi plusieurs centaines de pythons birmans dans la nature. Le climat chaud et l'habitat des Everglades qui présente des similarités avec leur habitat d'origine leur ont permis de se reproduire et de prospérer. Leur population en Floride représente aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers d'individus.  Les pythons sont en concurrence avec la faune indigène pour la nourriture. Par ailleurs, ratons laveurs et opossums cherchent souvent leur nourriture au bord de l'eau, un habitat fréquenté par les pythons à la recherche de proies. Le déclin important des mammifères dans le parc national des Everglades a été attribué aux pythons: en 2012, les populations de ratons laveurs avaient chuté de 99,3 %, les opossums de 98,9 % et les lynx de 87,5 % depuis 1997. Les lapins des marais, les lapins à queue de coton et les renards eux ont déjà complètement disparu. Certains de ces mammifères ont régulièrement été trouvés dans les estomacs de pythons prélevés dans le parc national des Everglades et ailleurs en Floride. 

Voilà pour les personnes qui n'aiment pas les serpents ou les alligators, vous pouvez réouvrir les yeux et continuer la lecture. 

Comme on n'a clairement pas mangé assez de poussière par la journée on remonte vers le nord de Big Cypress en empruntant une autre série de pistes: Turner River Road et Wagon Wheel Road. On y croise les fameux buggies tout terrains et on profite de la belle lumière rasante d'hiver. 

On finit la journée au Florida Panther refugee au Nord de Big Cypress. On s'y rend au coucher du soleil pour augmenter nos chances de croiser ce gros chat discret mais les chances sont très faibles.

 

La panthère de Floride est une sous-espèce du Puma (également connu sous le nom de lion de montagne ou cougar) et représente la seule population reproductrice connue de puma dans l'est des États-Unis. Historiquement, cette sous-espèce était présente dans tout le sud-est des États-Unis, de l'Arkansas et la Louisiane à l'est, en passant par le Mississippi, l'Alabama, la Géorgie, la Floride et certaines parties de la Caroline du Sud. Aujourd'hui, en raison de la persécution et de la perte d'habitat, la panthère occupe moins de 5% de son aire de répartition historique avec une seule population reproductrice au sud de la Floride. 

Les panthères ont besoin de vastes zones contiguës d'habitat approprié (520 km2) pour se nourrir et se reproduire. Le choix d'un habitat est liée à la disponibilité des proies (Cerf, sanglier, mais aussi raton-laveurs, lapins et le bétail) et son potentiel pour chasser ses proies efficacement. Les habitats forestiers sont particulièrement adapté à l'approche furtive de la panthère. Malheureusement, les habitats compatibles avec les besoins des panthères sont constamment réduits et fragmentés par l'urbanisation, le développement résidentiel, la construction de routes, l'agriculture et l'exploitation minière auquel se rajoute le risque de collisions avec les véhicules. C'est d'ailleurs pour cela que de hautes clôtures ceinturent le bord de la route dans cette zone afin  de diriger les animaux vers des passages souterrains sûrs. 

 

La faible taille de la population (une trentaine d'individus en 1995) isolée géographiquement des autres populations aurait pu conduire à la disparition de cette population menacée par la consanguinité.  Un plan de restauration génétique a été mis en œuvre en 1995 avec le relâchement temporaire de huit pumas femelles du Texas dans l'habitat des panthères de Floride, dans le sud de la Floride. Les pumas du Texas (P. c. stanleyana) étaient la population de pumas la plus proche de la Floride et cette opération a permis d'imiter le flux de gènes qui s'est produit historiquement entre ces sous-espèces. 

 

Malgré nos yeux grands ouverts, nous n'avons pas croisé de panthère (mais peut-être qu'elle elle nous a vu). Par contre, on a passé un très bon moment alternant des paysages de jungles avec des pins sur lesquels la buse à épaulettes, toujours elle,  veille. On y croise l'en-cas préféré de la panthère, un cerf dont seul la tête dépasse dans ces prairies hautes.  Nos sens en alerte, on reprend notre chemin à grand pas pour ne pas se faire enfermer dans le parc avec la panthère alors que la nuit tombe. Alors qu'on reprend la voiture pour regagner notre petite chambre à Naples, les arbres au bord de la route se transforment en dortoir noir et blanc avec les Anhingas et les Aigrettes qui s'y regroupent pour passer la nuit. 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Nick Charman (mardi, 30 juin 2020 14:11)

    Stunning photos and a very sharp description of your trip, and impressions. Lovely work. Good for my French too....
    In case you are wondering, your father-in-law sent me the link! We were talking about you both on Sunday.
    Have fun - and love to you both
    Nick & Stella

  • #2

    Nick Charman (mardi, 30 juin 2020 14:13)

    And by the way - Stella and I are thinking that we would quite like to visit Quebec before too very long - when this pandemic is under control perhaps. And you are not far down the road from there, in Albany.